Comment surprendre encore, innover ou simplement trouver un angle original et pertinent pour monter une nouvelle production d’un opéra aussi mythique que La Flûte Enchantée ? Tel est le défi qu’a entrepris de relever l’Opéra de Dijon avec Christophe Rousset à la direction musicale et David Lescot à la mise en scène.
Du plateau vocal, on retiendra en premier lieu la performance de Julian Prégardien, qui est un superbe Tamino. Tout est là : la beauté lumineuse du timbre, les couleurs, la fluidité de la ligne, la projection, la diction absolument impeccable. Aidé de ses grandes qualités de jeu, il campe tour à tour la candeur, la fougue et l’engagement avec une acuité saisissante. La Pamina de Siobhan Stagg est toute en fraîcheur et en subtilité ; au fil de l’action, elle sort de l’enfance dans laquelle ses parents l’ont voulu conserver pour incarner une amoureuse totale, sans compromis. Si ses piano manquent parfois de délicatesse, on est sous le charme de sa voix claire et on a le cœur littéralement transpercé lorsqu’elle lance un « Fühlst du nicht der Liebe Sehnen » d’une sincérité et d’une intensité rares. La déception – toute relative – vient de Jodie Devos dont la prise de rôle en Reine de la Nuit était très attendue. Incontestablement, le jeune soprano possède les moyens vocaux requis, notamment la puissance. Mais dans son premier air, sans doute gênée par le tempo assez lent, elle semble peiner. En outre, sans doute par manque d’intimité avec la langue allemande, ses consonnes ne sont pas suffisamment articulées. S’ajoutent à cela quelques imprécisions et un contre-fa final, certes clairement émis, mais non vraiment chanté. À l’acte II, son « Der Hölle Rache » convainc davantage et laisse espérer le meilleur pour l’avenir. Comique, mais non burlesque ni lourdaud, Papageno, tel que voulu par David Lescot, est un personnage beaucoup plus complexe qu’à l’accoutumée. Il trouve en Klemens Sander une incarnation très crédible servie par un chant remarquablement articulé et projeté avec beaucoup de naturel. Le baryton-basse Dashon Burton campe un Sarastro qui tient autant du gourou manipulateur que du grand-prêtre pétri de sagesse. Pour ce faire, il peut compter sur une voix puissante (malgré quelques difficultés dans les notes les plus graves), dont le timbre prend par moments des teintes sombres qui soulignent le caractère ambigu du personnage. Le trio des Dames – Sophie Junker, Emilie Renard et Eva Zaïcik, toutes trois épatantes – est intéressant en ceci qu’il est traité non comme un bloc, mais comme la somme cohérente de trois belles individualités vocales qui savent aussi bien s’unir que se distinguer, voire s’opposer. Le Monostatos de Mark Omvlee est aussi délicieusement noir et facétieux que touchant quand il exprime son besoin d’amour. Christian Immler campe un Sprecher tout en solennité qui par moments durcit le ton pour s’opposer à Sarastro. Enfin, la pétillante Camille Poul offre à Papagena une interprétation d’une adorable fraîcheur.