Dans la pénombre et le silence, un lent et mystérieux ostinato, digne du prélude de L’Or du Rhin, est joué par les cordes graves. Puis la lumière monte progressivement sur le plateau et dévoile la vingtaine de musiciens pieds nus du Concert de la Loge qui jouent à présent au tempo les trois notes de cet ostinato, lequel n’est autre que la base harmonique et rythmique de l'éblouissante « Sinfonia » de L'Olimpiade de Vivaldi qui ouvre avec brio ce spectacle. Fondus au milieu des instrumentistes, les sept danseurs de la compagnie Käfig de Mourad Merzouki surgissent et investissent le large plateau de la Halle aux grains de Toulouse. Une chorégraphie hip-hop s’installe, virtuose, joueuse et joyeuse qui fait écho à la « Sinfonia » jouée avec toute l’énergie requise par l’orchestre : le ton est donné pour cette soirée hors norme présentée par Les Grands Interprètes.
Julien Chauvin, chef et soliste du Concert de la Loge s’avance alors et joue Le Printemps de ces Quatre Saisons dansées, dans un dialogue éblouissant avec l’un des danseurs, bientôt rejoint par les autres membres de Käfig qui tournoient harmonieusement autour du violoniste. Le jeu de Julien Chauvin est une merveille de poésie, avec un phrasé d’une grande élégance et d’une grande pureté, le tout avec une justesse tout simplement prodigieuse. Sa virtuosité n’est jamais gratuite, elle est mise au service d’une caractérisation très juste de la narration de chaque mouvement, sans effet exagéré. Il fait littéralement corps avec ses musiciens du Concert de la Loge dont la qualité instrumentale, l’homogénéité et le dynamisme sont superlatifs. Et le timbre unique de son violon signé Nicolò Gagliano (1750) est aussi pour quelque chose dans cette somptueuse interprétation : nous redécouvrons ainsi avec émerveillement et comme au premier jour la partition célébrissime de Vivaldi...
La symbiose est également totale avec les sept danseurs qui rivalisent de virtuosité, de technique et de théâtralité, aussi bien dans le vocabulaire hip-hop que dans les passages acrobatiques que ménage la chorégraphie très musicale et inspirée de Mourad Merzouki. Le chorégraphe français est le porte-étendard d’une danse hip-hop qui fusionne avec d’autres disciplines et esthétiques, avec un succès mondial : sa compagnie a donné en près de 30 ans plus de 4 000 représentations dans 65 pays différents ! Et c’est en grand connaisseur de la musique baroque (cf. son spectacle Folia) qu’il met en scène ici un nouvel opus où ses chorégraphies inventives et virtuoses se marient impeccablement avec l’énergie de Vivaldi.