L’Opéra de Paris rend hommage au compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez, dans une soirée mixte associant Anthèmes 2 (Boulez, 1997), Le Sacre du Printemps de Stravinsky, partition qu’a dirigée Boulez pour la première fois en 1963, et plusieurs pièces pour piano de György Ligeti, contemporain de Boulez.
Le fil rouge de ce spectacle est cependant ténu, tant sur le plan musical que chorégraphique. Avec un premier volet néoclassique réunissant les créations de Christopher Wheeldon et de Wayne McGregor, suivi de l’inénarrable Sacre du Printemps de Pina Bausch, le programme forme un tout disparate, inégal. Cette dissymétrie de styles et d’intensité joue aux dépens des œuvres nouvelles au répertoire de l’Opéra, dont le néoclassicisme abstrait semble bien silencieux aux côtés de l’expressivité radicale et bouleversante de Pina Bausch. Malgré ce déséquilibre, l’émotion de retrouver Le Sacre du Printemps est intacte, et suffit à faire de cette soirée l’une des plus saisissantes de la saison.
Créée en 2001 par Christopher Wheeldon pour le New York City Ballet et désormais dansée par de nombreuses compagnies, Polyphonia fait son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris. Sur la musique intime de Ligeti, la création de Wheeldon est une succession raffinée de pas-de-deux, interprétée par quatre couples de danseurs. Malgré l’astreinte néoclassique à l’épure, la chorégraphie dénote d’une vraie recherche, parsemée de portés audacieux et de quelques clins d’œil amusants. Il reste que cette polyphonie est étrangement muette, sans thème, ni personnalité. Au-devant de la scène, Laura Hecquet semble à l’aise dans ce registre de danse, mais est secondée par un partenaire moins charismatique. Le couple formé par Lydie Vareilhes et Pierre-Arthur Raveau a plus de fraîcheur.
Alea Sands, de Wayne McGregor, est une création originale, qui marque la troisième collaboration entre le Ballet de l’Opéra de Paris et le chorégraphe en résidence au Royal Ballet, après Genus (2007) et L’Anatomie de la Sensation (2011). S’inspirant d’Anthèmes 2, où un dispositif électronique aléatoire interagit avec un violon solo, Wayne McGregor et l’artiste contemporain Haroon Mirza imaginent un jeu de lumière qui réagisse à son tour à la musique. Dans le processus de création, les danseurs, à leur tour, composent en miroir des sons. Si le procédé de transposition d’Alea Sands est intéressant conceptuellement, sa concrétisation n’est cependant pas visuellement immédiate. La danse, quoique plus affranchie que précédemment, reste relativement désincarnée, malgré la remarquable interprétation de certains interprètes, tels que Marie-Agnès Gillot et Jérémie Bélingard.