Nous consacrons le mois de Janvier à la musique contemporaine avec une série d'entretiens auprès de solistes d'ensembles spécilalisés. Aujourd'hui, nous rencontrons Andréa Tyniec, violoniste soliste avec l'Ensemble contemporain de Montréal (ECM+).
Pourquoi avez-vous décidé de vous spécialiser dans le répertoire contemporain ?
J’ai commencé à écouter la musique contemporaine quand j’étais très jeune, surtout sur Radio-Canada. J’ai toujours été attirée vers les univers musicaux nouveaux, et l’élément de surprise dans l’inconnu. Plus tard dans mes études musicales, j’ai eu la chance de travailler avec des compositeurs et des professeurs extraordinaires, qui m’ont ouverte au processus de création. Cette chance de collaborer directement avec les compositeurs, dont les compositeurs canadiens Ana Sokolović et André Ristic, m'a été offerte très tôt en 2001 par la chef d’orchestre Véronique Lacroix et l'Ensemble contemporain de Montréal (ECM+) qu’elle dirige. Et cela a marqué la manière dont j’approche toute la musique que je joue. J’ai trouvé dans l’interprétation de la musique contemporaine une liberté d’expression sans parallèle et un rôle qui je pense, va m'inspirer encore longtemps.
Est-il plus difficile d'interpréter la musique contemporaine que le répertoire classique? Par exemple, est-il plus difficile de maîtriser certains aspects techniques?
C’est toujours un défi d’apprendre une nouvelle notation, d’être confrontée à des rythmes complexes, de passer d’un langage à un autre avec chaque partition, sans mentionner apprendre toutes sortes de techniques nouvelles. Mais j’admire l’ambition des compositeurs de se détourner de la familiarité et de pousser sur les limites musicales pour se rapprocher de l’expression qu’ils cherchent à communiquer, et j’éprouve du plaisir à faire partie de cette exploration. Je pense notamment aux défis d’ordre microtonal du concerto de Alec Hall que j'ai interprété avec l’ECM+ lors d'une grande tournée pan-canadienne d’une dizaine de concerts en 2014. Mais il faut dire que tout genre musical comporte sa constellation unique de libertés et de contraintes. La rigueur de mon travail est la même, que ce soit lorsque j’approche le concerto de Sibelius ou celui de Hall. Je transforme simplement mon jeu pour m’aligner avec la musique.
Pensez-vous que votre approche de la musique soit similaire, par certains aspects, à celle des ensembles de musique ancienne ?
Nous partageons la passion de nous rapprocher de l’idéal des intentions de la musique. Et lorsque je pense notamment à l’ensemble Tafelmusik, l’excellent ensemble de musique ancienne basé à Toronto qui connaît un rayonnement international, je retrouve une joie, une spontanéité et une liberté dans leurs performances qui me rappellent l’esprit présent sur scène lors de la création d’une œuvre nouvelle.
Dans quelle mesure pouvez-vous suggérer des idées concernant le choix d'une œuvre ou d'un interprète/compositeur avec lequel vous souhaiteriez travailler ?
J’ai beaucoup de chance de travailler avec des compositeurs et compositrices qui m’inspirent et m’invitent généreusement à participer dans le processus de création. Ma collaboration de longue haleine avec la compositrice Ana Sokolović se poursuit d’ailleurs actuellement, alors que je ferai la création de son concerto de violon avec l’ECM+ en 2017. Nous échangeons couramment beaucoup d’idées et de fragments d’expériences personnelles, et j’en suis particulièrement comblée. J’aime aussi rester ouverte aux suggestions de mes collègues, puisque cela me mène à faire des découvertes intéressantes, comme le concerto Distant Light de Peteris Vasks que je jouerai en avril 2017 avec le Sinfonia Toronto.
Est-ce que la réponse du public face à la musique contemporaine a changé ? Est-ce différent dans chaque pays ?
Là où les créateurs, les musiciens et les programmateurs ont changé leur perception de la musique contemporaine et ont consacré leur énergie à connecter avec leur public, oui, la réponse du public a changé. Cela dit, culturellement certains pays sont plus prédisposés à apprécier la musique contemporaine. Je pense notamment à la Pologne, qui a toujours été fière de ses compositeurs (Penderecki, Lutoslawski, Gorecki, Bacewicz). Et on m’a récemment raconté que Belgrade est le nouveau Berlin, ce qui me donne bien envie de m’y rendre !