Lorsque fut annoncé, en juin dernier, que le prochain directeur musical de l’Orchestre de Paris serait Klaus Mäkelä, il y eut des haussements de sourcils. Non seulement en raison de son jeune âge – il n’a que 24 ans – mais aussi parce que le chef d’orchestre finlandais devait déjà prendre ses nouvelles fonctions à la tête du Philharmonique d’Oslo. N’était-ce pas trop et trop tôt ? Pourtant, regardez-le diriger ou écoutez-le parler : vous constaterez une maturité qui surpasse son âge, comme je l’ai découvert récemment, quand nous avons parlé du début de son mandat à Oslo.
En regardant en ligne Mäkelä diriger le Philharmonique d’Oslo et l’Orchestre de Paris pour son premier concert public post-confinement, à la Philharmonie en juillet, ce qui m’a frappé à propos de Mäkelä fut son style – très précis, avec des gestes économes. Mäkelä a étudié avec Jorma Panula, « le doyen des chefs d’orchestre finlandais », me dit-il. « Il vient d’avoir 90 ans – nous lui avons préparé une grande fête et Jukka-Pekka Saraste a organisé un concert. J’ai commencé mes études avec Panula quand j’avais 12 ans. Je jouais du violoncelle dans le département junior de l’Académie Sibelius mais je voulais sérieusement diriger. J’ai eu la possibilité d’arrêter d’en rêver et d’essayer.
« J’ai étudié avec Panula pendant six ans. J’ai aussi beaucoup voyagé avec lui. Il était de ces professeurs qui sont des maîtres pédagogues, choisissant toujours les mots qu’il faut, mais aussi – étant très finlandais – un homme de peu de mots. C’était donc la qualité et non la quantité des mots qui importait. Enseigner la direction d’orchestre est bien plus difficile qu’enseigner un instrument. Diriger est tellement abstrait ! Si vous comparez des chefs comme Jukka-Pekka Saraste, Esa-Pekka Salonen et Osmo Vänskä, par exemple, ils ont tous étudié avec le même professeur, mais ils sont tous très différents.
« Chaque orchestre a besoin de quelque chose de différent, donc le chef d’orchestre doit avoir une gigantesque boîte à outils et toujours prendre l’outil approprié à la situation. Bien sûr, plus vous avez d’outils mieux c’est, mais je pense que la confiance est l’élément le plus important, car si vous communiquez votre confiance, si vous faites confiance aux musiciens, ils vont très probablement vous faire confiance en retour. »
Dans la vie orchestrale – comme dans la vraie vie –, les premières impressions peuvent être cruciales. Mäkelä dirigeait le Philharmonique d’Oslo pour la première fois en mai 2018 ; en octobre, il fut annoncé comme leur prochain directeur musical. Comment cette relation rapide s’est-elle nouée ? « Je pense que le répertoire a été crucial, pense Mäkelä. Certaines pièces sont plus révélatrices que d’autres. Cette fois-ci, nous avons joué la Septième Symphonie de Sibelius, qui est une œuvre relativement difficile, mais j’ai été profondément impressionné par leur façon de jouer cette musique. Leur volonté au travail était impressionnante. »
Pour les chefs d’orchestre finlandais, Sibelius fait partie du métier. Pour sa première saison à Oslo, Mäkelä a programmé un cycle Sibelius. « Cela fait longtemps que je pense que ce serait un parfait point de départ pour moi, en termes de programmation, et je sais qu’ils attendent beaucoup de musique de Sibelius. C’est exactement ce qu’il faut faire, parce que cela fait partie intégrante de leur ADN, mais ils n’en avaient pas joué depuis un bon moment jusqu’à présent. »
Mais Mäkelä ne se contente pas d'empiler les sept symphonies. « La perspective est intéressante car chaque symphonie est si différente ! Et nous avons pensé que nous pourrions renforcer cela en racontant une histoire à travers la programmation, en mettant en relief certaines qualités et caractéristiques qui ne sont pas toujours identifiées. La Deuxième, par exemple, est souvent dépeinte comme une symphonie patriotique, très politique, mais Sibelius a toujours nié ces liens et interprétations politiques. Une grande partie de la partition a été écrite en vacances en Italie, donc l’un des morceaux de musique les plus “finlandais” a en réalité été composé bien loin de la Finlande – nous associerons donc la Deuxième à la musique de L’Orfeo de Monteverdi et au Double concerto pour deux violoncelles de Vivaldi, pour apporter peut-être une certaine légèreté, un éclat et une transparence.
« Sibelius a grandi dans un petit endroit loin d’Helsinki, donc ce n’est que quand il a eu à peu près 20 ans qu’il a entendu pour la première fois un orchestre au grand complet. Pourtant, en quelques années, il avait écrit des pièces gigantesques comme Kullervo et la Première Symphonie. » Nous parlons alors de la Première, très tchaïkovskienne, très russe dans ses coloris. « Je pense que c’est ici une des meilleures premières symphonies – avec celle de Mahler. »
C’est avec la Première de Mahler que Mäkelä a choisi d’ouvrir son mandat à Oslo, avec la création mondiale de Wiegenlied de Sauli Zinovjev, un concert qui sera diffusé en streaming. Pourquoi la Première de Mahler ? « Il y a une sorte de tradition des jeunes chefs d’orchestre dirigeant la Première de Mahler pour leur concert d’ouverture, dit Mäkelä en riant. C’est juste une formidable célébration du jouer-ensemble – chaque instrument a quelque chose d’intéressant à jouer. Depuis les sons de la nature au début jusqu’à la musique de rue et toutes ses caricatures. Essayer d’obtenir tout cela après seulement une semaine de répétitions était un défi, mais j’adore la façon dont ils l’ont joué lors de ce concert. »