Ça n’arrive qu’une seule fois par saison… La venue de Jordi Savall à la salle Pleyel est toujours un événement très attendu. L’un des grands chefs qui ont su remettre la musique baroque au goût du jour était présent à Paris lundi 7 avril : il donnait avec son ensemble Le Concert des Nations un programme sous-titré « Tempêtes, Orages et Fêtes marines (1674-1764) ». Un thème caractéristique du répertoire baroque dans lequel Savall continue à exceller, pour le plus grand plaisir du public.
Comme à l’accoutumée, la salle Pleyel était pleine pour accueillir Le Concert des Nations, ensemble dont la réputation n’est plus à faire. Au programme, six œuvres de cinq compositeurs, proposées par ordre quasi chronologique : The Tempest de Matthew Locke, les concertos pour flûte (« La Tempesta di Mare ») et pour violon (« L’Inverno ») d’Antonio Vivaldi, Les Élémens de Jean-Féry Rebel, des pièces issues d’Alcione de Marin Marais, ainsi que des extraits d’opéras de Jean-Philippe Rameau pour conclure la soirée en beauté. Outre l’époque de leur composition, le point commun entre ces œuvres, c’est qu’elles donnent une illustration musicale de la nature déchaînée : le procédé, qui naît dès la Renaissance, s’appelle figuralisme. La musique peint par les sons l’image que décrit le texte ou le thème dont s’inspire la symphonie ; elle est représentative, et confère à l’expressivité de la composition une place décisive.
La première œuvre du programme, Music for The Tempest de Matthew Locke (1674), dévoile d’emblée les qualités de l’orchestre de Jordi Savall. Le premier violon se fait déjà remarquer, avant même de briller en tant que soliste dans le deuxième Vivaldi ; les basses aussi (violoncelles et contrebasse) se détachent par la précision de leur son. L’excellente énergie de l’orchestre est lisible dans le rebond et le phrasé qu’il restitue à la perfection. Malgré de très légers décalages dans les cordes, on sent une véritable symbiose des musiciens avec leur chef : la musique naît de l’écoute active entre les pupitres, presque sans regard tourné vers les amples gestes de Jordi Savall.
Le concerto de Vivaldi « La Tempesta di mare », pour flûte et cordes (Op. 10 n°1), est interprété par Pierre Hamon, qui en plus de jouer la partie soliste dirige l’ensemble. La configuration obtenue, un instrumentiste seul debout devant ceux qui l’accompagnent – mais face au public – met en valeur la place de la flûte dans la partition de Vivaldi, et souligne la cohésion sonore des cordes. Pierre Hamon utilise son excellente technique pour effectuer des traits parfaits, et rend à tout instant la légèreté de la flûte avec une agilité minutieuse ; la texture travaillée de ses notes aériennes s’accorde avec le jeu dansant de l’orchestre.