2014 marque le centenaire du début de la Première Guerre Mondiale. Les Tallis Scholars ont choisi de célébrer cette date par un programme qui tourne autour des idées de conflit, de paix, de deuil, et de consolation.
Le dispositif du programme choisi en conséquence est ingénieux : il suit dans les grandes lignes l’ordre d’une messe. Ainsi, il inclut plusieurs parties de Missa – celles de Josquin, Guerrero, Palestrina, et Victoria. En parallèle, il est influencé par un autre fil conducteur également intéressant, celui du chant populaire "L’homme armé", qui inspira bon nombre des compositeurs de l’époque.
Mais si l’on pense qu’on va entendre un programme belliqueux, on se trompe. "L’homme armé doibt on doubter", dit le texte de la chanson, qui est immédiatement suivie d’un Kyrie, soit une demande de grâce. On se situe métaphoriquement dans l’avant- ou l’après-guerre. Ainsi, la première partie est tellement douce et réflective qu’elle en est presque immobile. L’aspect sacré du programme le rend quasi-liturgique, car l’idée de la messe est suivie de si près que certains morceaux paraissent remplacer les lectures.
Cette impression de répétition est évidemment un des pièges d’un programme constitué presque entièrement de musique ancienne, mais le choix n’est pas vraiment surprenant venant d’un ensemble dont la Renaissance est la spécialité. Après tout, ce n’est pas pour découvrir un répertoire radical que l’on va écouter les Tallis Scholars, mais pour leur son remarquable, très réputé.
Le son des Tallis Scholars est délicat, paisible, maîtrisé au point d’être contenu. C’est leur plus grande force, mais c’est aussi leur limite. C’est tout un art de créer un son de cette douceur, et lorsqu’il est comme souvent impeccable, il est d’une beauté absolue. Cela dit, la direction de Peter Phillips est à certains moments d’une retenue frustrante.
La première moitié du programme traîne un peu : cette pureté seule n’est pas assez pour inspirer les sept morceaux à la suite. Après le début certes entraînant, le Kyrie de la Missa de l’homme armé de Josquin et le Gloria de la Missa de la batalla escoutez de Guerrero sont simplement doux et beaux. Il n’y a rien à redire. The Woman with the Alabaster Box d’Arvo Pärt apporte une note contemporaine, et un changement de registre: on reste dans le calme et la pureté, mais la dissonance lui donne une certaine profondeur.