Ambitieuse, riche et dense – aucun entracte n’interrompra le concert avoisinant deux heures de durée au total – la jolie affiche concoctée par la fondatrice du Chœur Accentus avait de quoi réjouir une assemblée nombreuse à la salle Pierre Boulez. C’est que, non content d’associer deux compositeurs unanimement appréciés par les mélomanes, avertis ou non, le programme fait montre d’une vraie intelligence, celle de faire la part belle à deux lectures plus personnelles que bêtement nationales de la spiritualité – la patrie revêtant ici moins d’importance que l’héritage, incarné alors par la langue paternelle.
Ainsi, en prélude à un Requiem allemand bien connu de tous – et toujours redécouvert avec grand plaisir – on est heureux d’entendre les trop rares Chants Bibliques de Dvořák, quelque part entre le désespoir poétisé du Stabat Mater et la langueur nostalgique de l’exil américain du compositeur. L’Orquestra Gulbenkian se fond dans la partition et ses sonorités rurales : les gazouillis des vents, les bourrasques des cordes, les ruminements glorieux du cor et les tintements du triangle accompagnent les graves profonds, le medium clair et les aigus quelque peu engorgés de l’élégant baryton Thomas Hampson, presque plus à l’aise sur la langue tchèque que sur l’allemand qui suivra. On est en plein folklore slave, en pleine campagne tchèque - peut-être un peu trop, au détriment d’échos plus éloignés de ces poncifs. De cette succession pourtant habile d’images pastorales peine à naître une émotion ou une inquiétude que quelques nuances, quelques prises de risques – des variations du volume vocal, ici trop homogène, une plus grande mise à nu des pupitres-clés - auraient pu engendrer. Etrange idée, par ailleurs, que de se limiter aux cinq premiers chants, orchestrés par Dvořák même, et de n’y adjoindre que deux des cinq suivants, orchestrés par Vilém Zemánek : c’est donc peu dire que, malgré d’évidentes qualités d’interprétation, les Chants bibliques nous laissent sur notre faim.