Ce récital se voulait un hommage à l’école napolitaine qui régna sur le siècle des Lumières, du Portugal à Saint-Pétersbourg. Malheureusement, l’interprétation inégale tant de Max Emanuel Cenčić – pourtant l’un des contre ténors les plus en vue de notre époque - que de l’ensemble Il Pomo d'Oro dirigé par Maxim Emelyanychev nous a laissés sur notre faim.
Petit retour en arrière pour comprendre notre déception. L’opéra, né à Mantoue et à Venise au début du XVIIe siècle, prend son essor à Naples au siècle suivant où de nombreux garçons venus de Campanie, Calabre, Sicile ou des Pouilles, sont formés dans les conservatoires de la ville. Dans ces lieux y sont formés les castrats, ainsi que les compositeurs et les instrumentistes qui forment par la suite cette école napolitaine au rayonnement européen. Cette école impose ses codes, comme pour l’opera seria des airs types (« air de bravoure », « air de prison »…), palette d’artifices musicaux incarnant les stéréotypes créés par les librettistes de l’époque comme Métastase ou Zeno. Commencée avec Alfredo Scarlatti cette renommée s’estompe avec Rossini.
C’est en ayant à l’esprit cette histoire musicale qu’il était intéressant d’écouter Max Emanuel Cenčić interpréter des airs de Nicola Porpora (1686 – 1768), Leonardo Vinci (1696 – 1730), Alessandro Scarlatti (1660 – 1725) et Leonardo Leo (1694 – 1744), avec des interludes musicaux.
Et c’est là où la perplexité s’installe. Manque de préparation – le programme a été modifié – fatigue passagère ? Le premier air interprété, « Quel vasto, quel fiero » extrait de Polifemo de Nicola Porpora ne retranscrit ni la joie d’Ulysse d’avoir terrassé le « géant barbare » ni la férocité de cet être. La voix du contreténor apparaît par ailleurs légèrement voilée. On est alors loin des grands castrats de l’époque, dont Max Emanuel Cenčić est l’un des héritiers, et plus près des jeunes musiciens anonymes qui peuplaient les conservatoires napolitains.