Le Klarafestival se poursuit à Flagey où les ambiances féériques et dramatiques de Shakespeare côtoient le lyrisme de Théophile Gautier. Pour cela, les forces du Brussels Philharmonic reçoivent le chef suisse Thierry Fischer qui accompagnera également Reinoud van Mechelen pour de belles Nuits d’été.
Dans une optique radicalement différente de celle qu’avait choisie Stéphane Denève quelques mois auparavant avec le même orchestre, Thierry Fischer mise dans Berlioz sur la transparence et l’étincelle. Au gré de tempos toujours très justes, le chef suisse nous emporte avec théâtralité et poésie à travers les méandres shakespeariens de l'ouverture du Roi Lear, œuvre de jeunesse d'un Berlioz pas encore trentenaire. Les noirs tourments de la tragédie de Shakespeare se parent ici d’une lumière plus radieuse, l'orchestre concevant un drame nerveux sous la baguette de Fischer. La couleur cristalline des violons produit de magnifiques atmosphères lorsqu’elle se mêle à la profondeur des contrebasses ou à la brillance des cuivres. Et au sortir d’un épisode de pizzicati chez les cordes, on aurait vite fait de se croire chez Rossini, tant on retrouve dans cette œuvre la culture de l’ambigüité entre tragédie et comédie chère au compositeur italien.
L’émerveillement berliozien se poursuit à travers des Nuits d’été d’une grande clarté. La subtilité époustouflante du Brussels Philharmonic apporte beaucoup de profondeur aux textes de Théophile Gautier. Dans cet écrin chaleureux, Reinoud van Mechelen peine cependant à s’épanouir. Le ténor flamand a les défauts de ses qualités : son timbre extrêmement clair et pointu, la précision chirurgicale de sa diction le privent du lyrisme et de la chaleur nécessaires pour affronter les mélodies centrales du cycle. On admire sa projection sonore efficace qui lui permet de réellement briller lors des premières mélodies, même si Fischer rompt ensuite l’équilibre lors des grandes envolées de Sur les lagunes. Cette mélodie ainsi que la suivante, Absence, sont celles qui posent au chanteur les plus grands défis ; la voix n’épouse pas complètement les courbes lyriques de la partition et on s'étonne de voir les phrasés du chanteur comme de l’orchestre devenir raides et mesurés. Car avant cela, tout n’était que fluidité, tant dans la diction que dans l’interprétation. Reinoud van Mechelen nous aura ainsi livré un magnifique Spectre de la rose, où ses nuances éthérées et ses voyelles pures se sont superbement accordées aux beautés miroitantes de la phalange bruxelloise.