La soirée « Offenbach colorature » clôturait lundi soir la série de concerts organisés au Théâtre des Bouffes du Nord dans le cadre du Festival du Palazzetto Bru Zane. Pour ce concert consacré à la virtuosité — vocale mais aussi instrumentale — offenbachienne, Jodie Devos et l'Ensemble Contraste reprenaient en partie le programme du disque homonyme, sorti au début de l'année chez Alpha Classics. Placée sous le signe d'une bonne humeur contagieuse, la soirée a toutefois rapidement fait oublier le format discographique et sa perfection parfois abstraite.
Faute d'un orchestre symphonique pour accompagner la chanteuse, le premier tour de force de la soirée était de proposer des transcriptions pour ensemble réduit (une clarinette, un alto, un violoncelle et un piano) de cette multitude d'airs tirés d'opéra-comiques, d'opérettes et de fééries plus ou moins connues du compositeur. Les arrangements, réalisés par Johan Farjot, le pianiste de l'ensemble, apportent une grande cohérence et rendent justice à l'orchestration d'Offenbach, notamment dans la romance d'Elsbeth où la voix s'entremêle à la ligne de clarinette avec subtilité.
C'est avec beaucoup de naturel que Jodie Devos entre dans ce programme virtuose et dévoile toute la palette de ses aigus cristallins. La chanteuse enchaîne les vocalises pyrotechniques avec une vélocité et une précision déconcertantes, sans toutefois tomber dans une perfection vocale stérile. La virtuosité est constamment présente mais elle sert à donner chair à cette myriade de personnages offenbachiens. Elle se fait tantôt mécanique (l'air d'Olympia des Contes d'Hoffmann), tantôt hâbleuse (le rondo de Ciboulette dans Mesdames de la Halle), avec des accents plus mélancoliques (la romance d'Elsbeth dans Fantasio) ou douloureux (la romance de Rosée du Soir dans Le Roi Carotte). Même dans le registre haut, la maîtrise de la diction est irréprochable. Toutes les paroles sont intelligibles – qualité indispensable dans ce répertoire – à tel point que les textes fournis dans le programme apparaissent bien inutiles. Dans les plus extravagantes circonvolutions de la ligne vocale, le rythme reste parfaitement précis et le style piquant. La chanteuse se permet même quelques variations supplémentaires dans les vocalises de certains airs. Nul besoin de costumes ni de décors, Jodie Devos est un théâtre à elle seule. Dans certains airs (Mesdames de la Halle, Les Bavards) où elle doit imiter la voix d'autres personnages, le chant se fait polyphonie tandis que la soprano passe avec aisance d'un extrême-grave très timbré au registre aigu de la voix. L'air d'Olympia et les couplets d'Eurydice, deux pièces très attendues dans une telle soirée, sont interprétés avec maestria.