Quand Eva Ollikainen revient sur le plateau de l'Auditorium de Radio France, on est impatient de l'entendre diriger la quatrième des symphonies de Brahms, sans doute celle que nous chérissons le plus, depuis l'avoir découverte enfant dirigée par le trop oublié et cependant si souvent excellent Edouard Lindenberg, avant de l'étudier en cours d'analyse, un peu plus tard. La jeune cheffe finlandaise, directrice de l'Orchestre d'Islande depuis quatre ans, avance toutes voiles noires dehors, saute sur le podium et salue. Elle vient de donner un concerto de Mozart avec le pianiste Francesco Piemontesi et Fratres d'Arvo Pärt, avec l'Orchestre National de France. Et c'était remarquable.
Hélas ! Passée cette tierce descendante à laquelle répond une sixte montante ouvrant un espace poétique qui va se déployer et se complexifier, le premier mouvement de la symphonie va se perdre et nous abandonner. Sans doute ne peut-on pas exiger d'Ollikainen qu'elle dirige déjà comme ces vieux chefs dont les gestes tiennent dans un rectangle de la taille d'une feuille A4, mais pourquoi bouge-t-elle de droite à gauche, du sol au plafond, gestes qui se transmettent à l'orchestre qui joue lourd, épais et raide, en parfait miroir de ce désordre qui veut ordonner ? Ollikainen dirige beaucoup trop : le chef qui laisse les musiciens jouer et n'intervient que quand il le faut a gagné ses galons. Les musiciens se décalent et ce premier mouvement avance par à-coups. Or il superpose un accompagnement précis et alertement découpé à la sinuosité de lignes entrelacées, dont les phrasés doivent être impeccablement réglés aussi sur le plan rythmique. Les trois autres souffriront des mêmes défauts provoqués par les mêmes causes. Le troisième sera vertical et sa dynamique écrasée vers le fortissimo. Et jamais dans le finale nous ne sentirons l'irrésistible progression des variations.
Pourtant, avant l'entracte, Fratres d'Arvo Pärt avait une fois encore convaincu que quitte à écouter cette musique, autant la vivre en concert pour bien entendre ce bourdon joué aux contrebasses qui assoit les mélismes des cordes et les ponctuations des discrètes percussions dans un espace acoustique large et profond. Cette courte pièce sera splendidement jouée par les seules cordes du National, dirigées avec une conduite des phrases et de la dynamique exemplaire – et moins de tensions gestuelles excessives –, d'où des pianissimos qui laissent entendre le bruit de la ventilation de la salle.