Le format « Happy Hour » de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse (comprendre un format court accessible et destiné au grand public, en particulier les jeunes) reprenait ce samedi autour de la figure de Maurice Ravel. Initialement programmé avec Paul Dukas et son célèbre poème symphonique L’apprenti sorcier pour introduction, le compositeur français est finalement introduit par l’ouverture de Die Fledermaus de Johann Strauss fils, nous annonce un message en début de concert. Le programme donne d’ailleurs les dates de Strauss père alors qu’il s’agit d’une œuvre de son héritier, le vrai « roi de la valse ». Ces légers flottements sont très vite écartés à l’entrée de Pierre Bleuse. Si le style de la reprogrammation apparaît assez hétéroclite, sa direction fait l’unité du concert, en particulier autour de la valse et du rythme. Pour autant, le chef n’hésite pas à jouer sur les contrastes naissants de la rencontre entre les langages disparates des deux compositeurs, le tout sans conducteur.
Au classique et germanique Johann Strauss le jeune, Pierre Bleuse assigne la baguette, avec une direction très aérienne et très distante vis-à-vis d’une valse canonique très mécanique. Il tente néanmoins de rapprocher cette ouverture de Maurice Ravel en lançant délicatement les passages mélancoliques initiaux, par exemple au hautbois ou avec les cloches tubulaires, et en laissant exploser les passages les plus brillants et martelés. Mais rien n’y fait. Face à ce qui va suivre, on reste dans le noir et blanc et on regrette tout de même Dukas. L’inversion de ces œuvres, toutes extrêmement connues, ne sert pas la cohérence, à moins que Strauss ne servît de faire-valoir à Ravel…
Le chef d’orchestre ne s’y trompe d’ailleurs pas. Il abandonne la baguette pour pouvoir saisir la complexe et consistante matière ravélienne « à mains nues ». Composée plus de 45 ans après l’ouverture de Strauss, La Valse de Ravel nécessite une préhension permettant l’exposition de ses différentes facettes et de sa polychromie. L’enrichissement progressif de l’effectif du plateau va dans ce sens. Le rythme de la valse se dissipe peu à peu dans les nuances et les modes, complètement décortiqué et confisqué par le compositeur. La saturation finale en est le plus bel exemple, reprenant le final germanique sans le rependre.