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La jeunesse triomphante de Sheku Kanneh-Mason à la Philharmonie

Por , 20 octubre 2023

Sur le chemin de la Philharmonie, il y a de quoi se demander un instant si l'on ne s'est pas trompé de date ou de salle, la foule de très jeunes gens étant très inhabituelle sur ce parcours. Installé dans la grande salle Pierre Boulez, on constatera vite que l’âge moyen du public ne doit pas dépasser celui du soliste, le violoncelliste britannique Sheku Kanneh-Mason, 24 ans ! Et quelle qualité d’écoute et de silence de la part de cet auditoire !

Sheku Kanneh-Mason, Nathalie Stutzmann et l'Orchestre de Paris
© Ava du Parc

La présence au pupitre de l’Orchestre de Paris de Nathalie Stutzmann, l’actuelle directrice musicale de l’orchestre symphonique d’Atlanta, constitue l’autre point d’intérêt de la soirée. La cheffe a choisi en début de programme une pièce rare au concert, plus souvent jouée dans sa formation de chambre originale, l’Ouverture sur des thèmes juifs de Prokofiev. Nathalie Stutzmann semble n’en retenir que les aspects élégiaques, une fois que Pascal Moraguès en a énoncé un thème klezmer, estompant les rythmes et les accents qu’on attend chez ce compositeur.

Après cette entrée en matière, on est impatient d’entendre le Premier Concerto pour violoncelle de Chostakovitch, joué par le jeune violoncelliste promu au rang de star mondiale à tout juste 18 ans par l’effet d’un mariage princier (Harry et Megan). On avait aimé son Concerto d’Elgar à Radio France en 2019 et la saine modestie dont il avait fait preuve quant à sa soudaine célébrité. Sheku – comme on l’appelle sur ses disques – n’a vendu ni son âme ni son talent, comme il le démontre ce soir dans une interprétation à la fois ardente et pudique d’une œuvre dédiée à Rostropovitch.

Son jeu, son attitude sur scène sont à l’exact opposé de l’exubérance démonstrative de son aîné. Il aborde l’Allegretto initiai et son motif de quatre notes (dérivé du monogramme de Chostakovitch, en allemand DSCH) avec une tranquille assurance, un son épanoui sans ostentation, tandis que la cheffe veille à une précision rythmique parfois prise en défaut... Mais on peut l’en excuser si l’on en juge par une confidence du compositeur lui-même, invité en 1964 à diriger son œuvre : « La partition contient tant de changements de mesure (...) qu'en définitive, et à mon grand effroi, je perdis complètement le fil. Il fallut que Slava Rostropovitch se lève un instant et redonne la direction avec son archet pour que les musiciens s'y retrouvent ».

Ce soir Sheku Kanneh-Mason n’aura pas ce souci. En revanche, par deux fois le cordier de son Goffriller le lâchera, à la fin du sublime mouvement lent, et de nouveau dans le troisième, la Cadenza où le violoncelle joue seul. Pas assez pour le déconcentrer et le détourner du lyrisme presque classique qui caractérise son interprétation d’une étonnante maturité. Sa justesse et sa vélocité, dans le quatrième mouvement en particulier, sont époustouflantes. Jamais pourtant Sheku ne se départit d’une élégance, d’un recueillement qui visiblement touchent l’assistance. Il est vrai que la cheffe offre à son soliste un accompagnement qui n’exacerbe ni les contrastes ni les saillies de l’orchestre de Chostakovitch. On eût aimé plus d’arêtes vives mais l’inhabituelle douceur de cette approche est bienvenue.

Nathalie Stutzmann et l'Orchestre de Paris
© Ava du Parc

Au début de la seconde partie, on essaie de se rappeler quand on a entendu pour la dernière fois la Symphonie « Pastorale » de Beethoven en concert. C’est le paradoxe de ces œuvres très connues du répertoire classique et romantique que d’être toujours aimées du public, mais si peu programmées au concert. De l’aveu de plusieurs chefs, cette Pastorale est problématique. Créée en même temps que la Cinquième Symphonie, elle en est l’absolu contraire et se distingue des huit autres par sa structure d’abord (en cinq mouvements), par sa succession de tableaux sonores (comme des esquisses de poèmes symphoniques) et par une allure générale qui, en dehors de l’orage du quatrième mouvement, manque de points de repère rythmiques. 

Nathalie Stutzmann prend le parti d’une unité organique de la symphonie. « La simplicité même des moyens employés ici par Beethoven enrichit la complexité des impressions qu'il suggère. Tonalité et mélodie expriment un calme paisible et lumineux », écrit Berlioz. C’est très exactement l’impression qu’on va ressentir tout au long d’une interprétation fluide, subtilement conduite, dans une optique chambriste, où les pupitres de cordes s’écoutent et se répondent, soutenant des vents d’une infinie poésie.

On aime que l’orage survienne non pas comme un effet de manche mais comme une explosion de couleurs – formidable clarté des timbales d’Adrian Salloum – et que Nathalie Stutzmann évite le piège d’un dernier mouvement souvent lénifiant sous d’autres baguettes : elle joue pleinement, par de subtiles variations de tempo, les Sentiments de joie et de reconnaissance après l’orage, conférant à ce finale une densité inusitée dans le son comme dans l’expression. On sortira de la Philharmonie plein d'impressions joyeuses et de sentiments reconnaissants à l'égard d'un Orchestre de Paris qui s'est encore surpassé ce soir.

****1
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“Jamais Sheku ne se départit d’une élégance, d’un recueillement qui visiblement touchent l’assistance”
Crítica hecha desde Philharmonie de Paris: Grande salle Pierre Boulez, París el 19 octubre 2023
Prokofiev, Overture on Hebrew Themes, Op.34
Shostakovich, Concierto para violonchelo núm. 1 en mi bemol mayor, op. 107
Beethoven, Sinfonía núm. 6 en fa mayor "Pastoral", Op.68
Sheku Kanneh-Mason, Violonchelo
Orchestre de Paris
Nathalie Stutzmann, Dirección
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