C'est par une ovation debout et des cris de joie qu'ont été accueillis les deux concerts donnés par l'Orchestre du Festival de Bayreuth reçu par le Festival de Musique de Riga Jurmala, dans la salle de l'Opéra National de Lettonie, à Riga. Soirées données à guichets fermés, devant un public qui s'habille pour aller au concert, avec une élégance discrète qui ne peut qu'être saluée à l'unisson de son silence. L'automne est arrivé sur Riga et pourtant personne ne se racle la gorge. Ces deux concerts ont été enregistrés par la Radio lettone et le premier, filmé – il a été diffusé à la télévision une bonne heure après la fin du second, le soir du 4 septembre ! Le pays a mis les petits plats dans les grands pour le retour du fils prodigue en ses terres, et le festival pas moins qui a organisé une réception pour tout l'orchestre, les solistes vocaux et leur chef – lequel fut accueilli par ses troupes dans l'intimité avec une chaleur inimaginable.
Né en 1978 à Riga, Andris Nelsons connaît bien cette maison où il dirigea les concerts de l'Orchestre national letton avant de partir pour l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis où il occupe et a occupé des postes prestigieux à Leipzig, Manchester ou encore Boston. La légende dit que ce fils de musiciens professionnels aura la révélation de la musique en assistant ici même à une représentation de Tannhäuser de Wagner, alors qu'il n'était qu'un petit enfant.
Wagner, justement, parlons-en et d'abord du rapport chant-orchestre-acoustique-public, une chose essentielle que l'on avait fini par oublier malgré les exigences wagnériennes qui ont conduit à l'édification du Festpielhaus de Bayreuth selon ses plans, tant ses opéras, coûteux à monter à la scène comme en version de concert en raison des longues répétitions nécessaires et du cachet des chanteurs, ont déserté les petites salles d'opéras pour être donnés dans des lieux vastes qui modifient de façon considérable le rapport du public à la musique et des chanteurs à l'art du chant. L’avant-veille des concerts de Riga, les Parisiens ont d'ailleurs pu entendre les mêmes œuvres données dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie... dans laquelle seraient perdus les 933 mélomanes installés ce soir dans cette magnifique bonbonnière dorée récemment restaurée ! Sur scène, l'Orchestre du Festival de Bayreuth joue en rangs si serrés que le rondouillard Andris Nelsons rentre son bedon en rigolant pour se frayer un chemin jusqu'au pupitre. Dès le « Prélude » de Lohengrin, on est avalé par l'orchestre qui vient autant à nous que nous allons à lui, tant rien ne peut nous en soustraire : l'impact physique et psychologique du son est violent émotionnellement quand bien même l'orchestre joue piano.