Cette nouvelle production d’Andréa Chénier actuellement à l’affiche du Bayerische Staatsoper dans une mise en scène de Philipp Stölzl était programmée pour une seule date en version concert au Théâtre des Champs-Élysées. Poète révolutionnaire, mort guillotiné en 1794 deux jours avant Robespierre, accusé de conspiration, coupable d’être trop empreint de liberté, Chénier est le personnage central de l’œuvre la plus connue du compositeur vériste, proche de Mascagni et de Franchetti, lequel lui céda les droits sur le livret signé de Luigi Illica – qui fut notamment le librettiste de Puccini pour Tosca, Manon Lescaut ou encore La Bohème – et qui fut une grande source d’inspiration pour composer cette œuvre éprise de romantisme noir, aux couleurs orchestrales résolument modernes.
La direction subtile, fine mais néanmoins très énergique d’Omer Meir Wellber a su amener le Bayerishes Staatsorchester vers un équilibre propice à accompagner au mieux les voix, réduisant tantôt les volumes ou a contrario accentuant les motifs dramatiques de la partition, qui semblent notamment se traduire dans la dominante des cordes dans les deux derniers actes. Le Chœur de la Bayerische Staatsoper a su jouir de la même dynamique, demeurant précis et très audibles même depuis le fond de scène.
Dans le rôle du poète condamné, Jonas Kaufmann a su s’appuyer sur la richesse et la noirceur de son timbre pour conférer à son personnage toute la dimension à la fois sensible et tragique qui, tant dans l’aveu de ses sentiments que dans l’approche de la mort, se devait de maintenir une certaine intensité vocale tout en conservant la beauté de sa ligne. Et si sur le plan scénique, Kaufmann – de même que les autres chanteurs – semblait quelque peu contraint par le manque d’espace, il s’est avéré être tout à fait convainquant sur le plan vocal. Le duo qu’il forme avec la soprano Anja Harteros en Madeleine de Coigny gagne quant à lui en profondeur au moment de la révélation, lorsque Madeleine apprend à Chénier que les lettres signées du nom d’« Espoir » le sont en réalité de sa main. Son timbre généreux et sa capacité à tenir des notes très graves tout en maintenant une certaine clarté confirment à nouveau la justesse dans l’interprétation et le talent aiguisé d’Harteros, pour seulement regretter de ne pas l’entendre plus souvent sur les scènes parisiennes.