Une apparition du Royal Concertgebouw Orchestra d’Amsterdam à Paris est un événement à ne rater sous aucun prétexte. L’attente est grande, la salle est comble. Serons-nous ce soir de cette communauté laudative de critiques qui ne tarissent pas d’éloges à son égard et l’encensent de par le monde ? C’est en tous cas sous la baguette chevronnée de Semyon Bychkov que nous aurons le privilège de l’entendre, aux côtés des sœurs Katia et Marielle Labèque (Marielle étant l'épouse de Semyon Bychkov, rappelons-le), l’incontournable duo pianistique basque qui depuis presque 40 ans parcourt les plus grandes salles de concert en quatre mains ou deux pianos, n’hésitant pas à explorer des chemins de traverse tant dans ses choix musicaux que dans ses collaborations.
De Max Bruch la postérité n’aura principalement retenu que son Concerto pour violon n°1, sa Fantaisie Ecossaise pour violon et orchestre, et son Kol Nidrei pour violoncelle et orchestre. Aussi connaît-on mal le reste de son œuvre pourtant éminemment prolifique. Le Concerto pour deux pianos en fait partie. Œuvre de maturité composée à l’âge de 74 ans, à la tonalité rarissime de la bémol mineur et à l’histoire étonnante dont nous dirons peu ici si ce n’est qu’elle fut jetée dans les oubliettes après seulement deux exécutions, et retrouvée en 1971 par Nathan Twining qui l’achète aux enchères pour 11 dollars. Sommes-nous néanmoins convaincu par ce concerto ? Difficilement. Œuvre d’une écriture beaucoup moins équilibrée que celle du Concerto pour violon n°1, l’orchestre s’en tient à un rôle mineur, sans être anecdotique ; le dialogue est principalement entre pianos et peine à s’étendre. Certes les musiciens s’écoutent, les deux sœurs sont en symbiose, mais il y a quelque chose qui butte. L’entrée triomphante des pianos en unissons véhéments est péremptoire, comme il le faut, mais bien vite une certaine inertie affleure, une saturation et un épuisement se font jour, moins dus aux interprètes qu’à l’écriture elle-même. La fugue prend forme, tout en ayant dans son énoncé un côté très soigné, lustré, auquel manque peut-être un aspect solennel. L’Allegro molto vivace quant à lui est galvanisant, mais une certaine sécheresse des pianos lui insuffle une note parfois par trop astringente. De l’hommage à Bach dans l’Andante initial c’est un lyrisme onctueux à la Rachmaninov qui se déploie dans l’Adagio, tendre puis extatique, avant d’engranger un finale à l’impétuosité toute altière à l’image de la fougue des pianistes.