Une belle idée sous-tend cette « Nuit Chopin », en compagnie des deux lauréats du dernier Concours de Varsovie, celle d’en rejouer la Finale. Voilà le public confronté aux mêmes œuvres, aux mêmes musiciens : le premier étant le pianiste canadien Charles Richard-Hamelin, aux manettes du plus rare Concerto en fa mineur. Que d’autorité sur le fond et de discrétion sur la forme ! Seong-Jin Cho atteint quant à lui un suprême équilibre dans le Concerto en mi mineur, expressif au cœur même de la clarté.
La soirée débute par une performance du Sinfonia Varsovia dans la Symphonie Italienne de Mendelssohn. Riche de virtualité, comme un diamant non poli, l’orchestre surchauffe mais manque de patine. Le lacis semble aisé à conduire, malgré une pâte orchestrale qui frappe par son opacité, la petite harmonie peinant à se différencier des cordes. Le chef, Aziz Shokhakimov, s’ébroue, se déhanche ; il surjoue les expressions comme un acteur du cinéma muet. L’orchestre répond, impudique, fermement. Sauvés par l’irrésistibilité de leur entrain, les musiciens font preuve d’une belle ténacité, notamment dans la cavalcade du Presto Saltarello qui conclut l’œuvre.
Mais voici le premier « finaliste » : Charles Richard-Hamelin, au particularisme tranquille, comme une enclave dans le monde pianistique. Musicien de la discrétion et de la résilience, son Concerto en fa mineur portait néanmoins l’estampille d’une maturité précoce, qui a son pedigree signé André Laplante.
Moins emphatique, d’humeur sans doute plus vague, le concerto opus 21 est généralement délaissé au profit de l’opus 11 en mi mineur. Mais Charles Richard-Hamelin fait éclore une vitalité frémissante de ses mains. C’est avec autorité que le rubato plane sur son exécution. Toujours merveilleusement articulé, il frappe comme une évidence nouvelle, n’autorisant en sa présence aucune alternative. L’on aimera ou l’on regrettera la sonorité, qui garde un certain effacement : jeu en surface, fureteur, qui laisse peu de place au poids et à la largesse (l’œuvre étant également en cause). Les projectiles que le pianiste envoie par moment dans les basses, comme pour marquer la pulsation, montrent pourtant de belles capacités projectives. La douceur est donc délibérée. Même naturel, même vérité de style dans le Larghetto. Même dans les tergiversations de la main droite (dont quelques enjambements originaux du phrasé), l’orchestre est particulièrement attentif à l’harmonie, garante de la synchronie. Echasses pour le pianiste, ce dernier ne tient qu’une partie décorative. Quel dommage que le conducteur, en proie au vent, dont les pages tournaient sans le consentement du chef, ne vienne détraquer cette écoute dans l’Allegro Vivace !