C’est en 1946 que s’ouvrait le Festival de Musique Classique de Montreux-Vevey, Septembre Musical… Depuis lors, on s’émerveille du panorama sur ce bout du Lac Léman qui ressemble à un fjord superbe couronné de multiples palmiers et de vignes centenaires, et que soulignent des concerts qui font resplendir les plus belles musiques par le nec plus ultra des interprètes.
L'introduction du concert nous livre un Andante Semplice de la Symphonie n°2 en mi mineur de Wilhelm Furtwängler qui fait resplendir une clarinette solo très sensible, et un hautbois au son assez dru. De cette musique, on retiendra un enchevêtrement assez suave de Brahms et Bruckner ainsi que, de ci de là, des mélismes wagneriens.
Plus essentiel est le sublime Concerto pour piano n ° 2 de Rachmaninov. Dès les premières mesures, l’oscillation de ce balancement angoissé entre ces accords, vous fait sombrer délicieusement dans l’émoi des volutes des cordes. On note un toucher assez dur, relevant un son assez sec dans les premiers accords, puis tout par la suite n'est que beaux phrasés et déluges de musicalité : arc-bouté sur son piano, Daniil Trifonov tire de son instrument une sorte de sorcellerie hallucinée, diaboliquement géniale. Rien a l’air trop complexe pour le pianiste, délivrant une foule de nuances nonobstant le son dense de l’orchestre. Le musicien investit chaque mesure, chaque phrase, semblant vivre la musique dans une sorte d’osmose primordiale.
On aura apprécié tout particulièrement l’ambiance crépusculaire en début d’Adagio sostenuto et l’incroyable intervention de la flûte solo qui en émergea. Charles Dutoit indiquant merveilleusement les dynamiques, posant un relief admirable aux solos mais le tout nimbé d’une grande unité sonore.
Evidemment la grande virtuosité de Daniil Trifonov fait des miracles dans le troisième mouvement dont les scintillements resplendissent dans la belle acoustique de l’Auditorium Stravinsky. Le soliste prouve une fois de plus lors de ce concert que sa virtuosité, déjà légendaire, est bien au service de la musicalité et non pas vaine, comme pour certains de ses collègues. Chapeau bas !