Dire que l’affiche du septuagénaire Septembre Musical dédiée à la commémoration des 80 ans de la disparition de Maurice Ravel était alléchante est un doux euphémisme : rien de moins que le Royal Philarmonic Orchestra de Londres et le pianiste français Bertrand Chamayou, sous la direction du chef suisse Charles Dutoit invité pour offrir aux mélomanes quelques chefs-d'œuvre du compositeur.
Charles Dutoit se ballade dans ses pages avec une aisance déconcertante qui offre à ces musiques ensoleillées une souplesse et un raffinement du plus bel effet, sans affectation aucune : ça sonne espagnol sans tomber dans la caricature. Si on a pu regretter un cor anglais qui manque de suavité et de lâcher-prise, on a été sous le charme d’une clarinette duveteuse dans le prélude, d’une trompète solo étincelante dans une « Malaguena » swingante ! « La Feria » se lâchera totalement, Charles Dutoit donnant du coude pour accompagner l’orchestre dans cette dernière envolée rendue magistralement ! On ne peut que louer ce magnifique Royal Philarmonic de Londres qui n’a cessé d’offrir au public une palette de nuances, de couleurs et de dynamiques inouïes sous la baguette magistrale d’un Charles Dutoit que l’on sent dans son jus.
L’ouverture tout en noirceurs et bruissements du Concerto pour la main gauche a fait frémir. Le piano de Bertrand Chamayou est plein, rond, charpenté. Sa vision est romantique, émotionnelle, exaltée, le son du piano ample sans dureté particulière. L’orchestre foisonne de couleurs auxquelles le soliste répond avec une gourmandise certaine. Et si on a pu regretter de part et d’autre un manque d’impressionnisme par moment, on a été charmé par le pupitre de cuivres : les trompètes sont étincelantes, les trombones superbes de rondeurs acérées. L’Andante fut nostalgique à souhait, l’Allegro dévoila avec bonheur son aspect Chostakovichien sublime de malice, le trombone solo joua sa partie jazzy avec bonheur et la cadence fit oublier par ses vagues fabuleuses qu’une seule main est à l’œuvre.