L’invitation annuelle lancée aux Violons du Roy par le Festival d’opéra de Québec nous a valu un millésime d’exception avec la venue d’une artiste d’une incomparable distinction. Pour cette rare apparition canadienne, Véronique Gens a puisé dans son répertoire de prédilection, l’opéra français du XVIIIe siècle, en plus d’œuvres de Mozart, Haydn et Beethoven. Si le premier extrait chanté par le soprano, « Quels doux concerts » d’Hippolyte et Aricie, nous a quelque peu fait craindre pour la suite, la voix peinant à trouver ses aises et à bien rester accrochée, les autres airs au programme ont été exécutés avec un brio et un raffinement sans pareils. L’artiste déploie une voix arrivée à maturité, parée de mille couleurs, ronde dans les moments de tendresse, impérieuse et véhémente dans les accès de rage (dans « Jupiter lance la foudre » d’Iphigénie en Aulide par exemple). Le port altier, Véronique Gens incarne, avec une diction acérée et une intensité toujours contrôlée, les héroïnes du répertoire baroque et classique. Mieux, elle est Clytemnestre, Phèdre, Armide. Se jouant des difficultés techniques, la soprano livre avec une remarquable précision les passages les plus difficiles de Ah! Perfido! ou de l’air « Enfin il est en ma puissance » d’Armide de Gluck. Le contrôle du souffle est exemplaire, permettant les plus subtiles nuances, et l’ornementation, réalisée avec goût (le da capo dans « Cruelle mère » d’Hippolyte et Aricie par exemple), sans jamais tomber dans l’outrance.