Pour cette première de l'œuvre de Ponchielli au Théâtre du Capitole et pour la reprise de la saison lyrique, l'ONCT accueille à la direction musicale Roberto Rizzi Brignoli. Habitué des planches toulousaines, Olivier Py à la mise en scène, avec la collaboration de Jean-François Kessler, échafaude une critique des appétits masculins qui revêt plusieurs versants diversement appréciables. Dans la fosse, l'orchestre est puissant (parfois un peu trop) et enthousiaste, à l'image de l'accord initial, lancé dans une ambiance bon enfant – un si bémol donné par les vents déclenchant quelques éclats de rire dans l'orchestre, sans doute en provenance des pupitres des cordes, avant que le la ne se fasse entendre.
Côté vocal, le plateau est parfaitement équilibré et remplit toutes les attentes. Béatrice Uria-Monzon (La Gioconda) est magistrale dans ses morceaux de bravoure et son jeu scénique, tout comme son harceleur Pierre-Yves Pruvot (Barnaba) : sourire vicieux et cris de rage sont au rendez-vous, exprimant avec justesse la soif de vengeance du personnage. Le couple de l'amour raisonnable constitué par Judit Kutasi (Laura) et Ramón Vargas (Enzo Grimaldo) est lui beaucoup plus contenu dans sa présence scénique, ce qui peut s'entendre. Cela n'empêche pas le ténor et la mezzo-soprano de faire profiter le public de l'étendue de leur puissance vocale. Roberto Scandiuzzi (Alvise Badoero), remplaçant au pied levé son compatriote Marco Spotti souffrant, assure pleinement son rôle de patricien grâce à une voix ancrée sur scène même si parfois couverte par l'orchestre. Dans le rôle de la mère de la Gioconda, prophétesse assassinée sur scène, Agostina Smimmero (La Cieca) fait preuve d'une présence et d'une voix chaude tout aussi notables. Quant à Roberto Covatta (Isèpo, bras droit de Barnaba), il livre avant tout un rôle scénique du fait de la rareté de ses interventions vocales dans la partition.
Côté décors et costumes, Pierre-André Weitz gâte le public avec une architecture à la rencontre du monde industriel et de l'ambiance de roman d'espionnage. Les panneaux se combinent avec efficacité, représentant tour à tour des intérieurs et extérieurs, des jeux d'opposition entre l'élite sociale et la plèbe, entre les valeurs morales d'Enzo et les projets vicieux de Barnaba, etc. Une grande partie de la scène est composée d'un bassin peu profond qui ajoute le son et l'image de l'eau aux pas des personnages et des danseurs, s'accordant sans problème avec la musique du compositeur italien. Les costumes adoptent le parti de la modernité, tant dans les tenues que dans les accessoires (lampes torches, pistolets et mitraillettes, etc.).