Près de deux cent cinquante ans après leur dernière représentation, Les Fêtes d’Hébé reviennent sur la scène parisienne. Celle de l’Amphithéâtre n’est peut-être pas idéale – elle laisse les jeunes chanteurs particulièrement à nu, limite les possibilités chorégraphiques, et le spectacle a très vite affiché complet – mais a au moins le mérite de créer une véritable intimité en plein inconnu. Pour ne finalement aboutir qu’à de bonnes surprises : mésestimée, l’œuvre rassemble pourtant des pages musicales d’excellente facture. A priori peu soluble dans ce répertoire, la mise en scène du chorégraphe Thomas Lebrun s’y déploie sans trop de difficulté. Enfin, les chanteurs de l’Académie s’y révèlent particulièrement pertinents, et pleins de promesses.
On devine vite que l’obstacle principal auquel a pu se heurter, auparavant, un projet de recréation des Fêtes est la non-lisibilité de son livret, où se croisent comme souvent Rois et Déesses, noces et danses, et au fil d’un prologue trois différentes temporalités. L’intérêt réside, ici, avant tout dans la luxuriance musicale à l’œuvre : les airs, échanges, et ballets s’enchaînent comme autant de nuances, couleurs et tableaux certes familiers pour qui s’est un peu intéressé à Rameau, mais surtout diablement enthousiasmant. S'érige donc sur ce désir de musique, d'art pour l'art une aspiration commune avec la danse plus contemporaine que postmoderne de Thomas Lebrun. En décloisonnant ballet et chant, la chorégraphie, habillée des vidéos de Charlotte Rousseau et des costumes plus ou moins heureux de Lauriane Scinemi del Francia, tient lieu de mise en scène et d’intrigue. Les temporalités s'y font couleurs, les gestes y deviennent sur-signifiants - sortes de chorégraphies à la Peter Sellars, revisitées avec humour. Si bien qu'on pourra regretter, par endroits, que l'ironie s’immisce jusqu'à occuper tout l'espace, des cœurs esquissés par les mains des chanteurs aux bonnets de bain bien peu seyants infligés aux (excellents) danseurs – Antoine Arbeit et Léa Scher sont très sollicités, mais Karima El Amrani, Maxime Camo, Lucie Gemon et Julien-Henri Vu Van Dung brillent également.