Pour l’Orchestre Français des Jeunes, dont les effectifs sont renouvelés chaque année, ce concert à la Cité de la Musique était le dernier de la saison, après un mois de travail estival et deux tournées en France et en Europe. Le temps de la scène fut donc également, pour les jeunes musiciens, celui des adieux ; mais ils furent de ceux qui réjouissent, la ferveur du moment se conjugant au plaisir du jeu. Emmenés par un Dennis Russel Davies méticuleux et enthousiaste, offrant à Marc Coppey un écrin de choix pour un splendide hommage à Henri Dutilleux, les musiciens surent par leur professionnalisme faire oublier quelques séquences un peu timides, et partager leur énergie communicatrice. Des adieux ? Certes non. Mais un au revoir, c’est certain.
L’orchestre prend ses repères dans une Conzone a tre cori de Gabrieli orchestrée par Maderna. Il n’est en effet point aisé d’investir du premier geste une telle salle ; en témoignent des premières mesures un peu timides. Bel effort d’intonation dans ce répertoire qui ne s’accorde aucune approximation ; voilà qui permet à l’orchestre de se retrouver, et d’unir les individualités sonores en une ligne claire. Il manque encore aux jeunes musiciens, cependant, la capacité de trouver d’emblée une dimension vocale, véritablement polyphonique - complexe lorsque l’on s’emploie déjà à créer un son d’ensemble !
Entendre Marc Coppey jouer Tout un monde Lointain de Dutilleux constitue une grande leçon de maîtrise instrumentale. La précision, que l’on parle d’intonation, de phrasés, ou de qualité des attaques, est chirurgicale. En témoigne le vibrato qui, lorsqu’il se veut plus dramatique, gagne en intensité ; mais même les variations d’intensité trouvent leur régularité. À chaque instant, l’auditeur se délecte de la beauté d’un son suave, garantie par un archet soyeux enveloppant la phrase d’un cocon sonore lui assurant de ne jamais sombrer dans la démesure. Marc Coppey n’entre jamais en collision avec l’œuvre ; il ne fait qu’accompagner son éclosion. Sous ses doigts, un chant reste toujours un chant, et sait être déchirant sans se dénaturer en un cri. C’est sans doute cela qui impressionne tant chez lui ; cette légitimité absolue à porter la voix du compositeur, conférée par sa maîtrise du moindre détail.
Belle leçon de pédagogie également ; l’orchestre semble porté par la présence attentive du soliste (dans le deuxième mouvement, Coppey passe la phrase aux violons d’un regard qu’on ne voit guère qu’en musique de chambre). Les jeunes musiciens arrivent ainsi à installer un climat initial qui a l’opacité du brouillard et la texture de la pierre, rendu possible par un équilibre éprouvé entre développement d’un son de pupitre et persistance d’un grain de son timbré. Le professionnalisme est aussi visuel ; on prend plaisir à voir chaque instrumentiste des cordes aux mêmes places d’archet, et totalement investi du premier au dernier pupitre. Quand on sait que certains orchestres aguerris peinent à l’obtenir, un tel rendu a de quoi réjouir. Et les premiers réjouis semblent les musiciens, ovationnant le soliste après deux des Strophes sur le nom de Paul Sacher du même Dutilleux interprétées en bis.