Nîmes, ses arènes romaines, sa Maison carrée, sa Tour Magne, son nouveau musée de la Romanité... et maintenant – enfin ! – son festival de musique classique. Certes Montpellier, Aix-en-Provence, La Roque d'Anthéron ne sont pas très loin, mais pourquoi le chef-lieu du Gard, où pourtant nombre de grands musiciens ont élu domicile, s'est-il si longtemps abstenu de toute manifestation estivale d'envergure ? Mystère.
Heureusement les Rencontres musicales de Nîmes qui en sont à leur troisième édition ont relevé le défi, sous la houlette de Philippe Bernhard, ancien premier violon du Quatuor Modigliani. Comme le firent il y a plus de 30 ans à Salon-de-Provence Emmanuel Pahud, Éric Le Sage et Paul Meyer, c'est une bande de copains qui assume collectivement la programmation de ces cinq concerts. Leurs noms ? Le pianiste Alexandre Kantorow, la violoniste Liya Petrova et le violoncelliste Aurélien Pascal. Ce mercredi soir, ils avaient invité auprès d'eux le pianiste Théo Fouchenneret, le violoncelliste Edgar Moreau, les altistes Grégoire Vecchioni et Paul Zientara ainsi que le violoniste Shuichi Okada, pour un programme sobrement intitulé 1842.
Il fait encore chaud, très chaud, à 21h dans le Temple de l'Oratoire comble d'un public essentiellement local. On n'a pas bien compris le pourquoi de la première œuvre du programme : la Méditation de Thaïs de Massenet est traditionnellement plutôt donnée en bis, mais Massenet est né... en 1842. Un échauffement avant de se lancer dans le Quatuor pour piano et cordes op. 47 de Schumann ? Liya Petrova est toute sobriété et délicatesse, généreusement soutenue par le piano mordoré de Théo Fouchenneret.
Le programme de salle est ainsi (mal) fait qu'on ne sait pas qui joue de quoi et qui va jouer quoi. C'est perturbant pour un public certes mélomane mais qui, on s'en apercevra à plusieurs reprises, n'identifie pas immédiatement les artistes, même déjà « vus à la télé » comme Kantorow ou Moreau. Pour le Quatuor op. 47, c'est une équipe formée d'Alexandre Kantorow, Liya Petrova, Paul Zientara et Edgar Moreau qui s'installe sur scène. Dès l'entame du Sostenuto assai on sait que ce quatuor de musiciens ne confond pas romantisme et exhibitionnisme. Il y a quelque chose de l'ordre de la pudeur, de la douceur, dans cette vision d'un Schumann heureux. Peut-être le halo de réverbération qui entoure les musiciens, auquel on finira par s'accoutumer, contribue-t-il à cette impression.
Dans les deuxième et quatrième mouvements, l'énergie déployée par l'ensemble n'est jamais tapageuse ni péremptoire. On ne sait pas combien de temps ce quatuor d'occasion a répété mais l'entente semble si naturelle, les quatre mouvements de l'œuvre s'enchaînent dans un continuum fluide qui n'exacerbe pas les contrastes et qui avance propulsé par une ardeur contagieuse. Aucun ne tire la couverture à soi, le piano d'Alexandre Kantorow encore moins que les autres alors que la partition le lui permettrait.