Quoi de commun entre l’ouverture de L’Isola disabitata de Haydn, le Concerto pour violoncelle en ut majeur, toujours du même compositeur, la Sérénade pour dix instruments à vent, violoncelle et contrebasse en ré mineur de Dvořák et la Symphonie « classique » de Prokofiev, sinon une fièvre commune et un esprit des plus affûtés ?
Dès l’introduction menée par la baguette acérée de Jamie Philipps, nous entendons un Orchestre de la Suisse Romande qui tend ses phrases, relâche de manière très musicale le son à la manière des ensembles jouant sur instruments d’époque. Après cette belle ouverture héroïque, un Concerto en ut majeur qui permet d’entendre Johannes Moser, violoncelliste germano-canadien, entonner ce concerto qui chante de manière très baroque. Elégance et style personnalisent son écriture, tout autant que la manière dont le soliste la restitue. La légèreté des tempi permet d’adapter chaque couleur, chaque atmosphère, et on apprécie particulièrement chez le soliste un son assez limpide, une élégance dans les ornements, ne poussant son Haydn ni dans un excès de virtuosité, ni dans une sécheresse stérile, ni d’ailleurs l’alourdir d’un romantisme déplacé.
L’Adagio se développe dans une grande sérénité qui dévoile un chant pur et sensible. Le soliste retrouve son bel engagement dans l’Allegro molto entonné par un OSR virevoltant. On sent alors le plaisir que Johannes Moser a à rendre ces musiques si vivantes, pleines d’idées musicales, dans une jubilation de bon aloi - très différente du romantisme électrisant d'un Mischa Maisky ou des interventions sensibles et pleines de surprises d’un Anner Bylsma. Le soliste nous gratifie enfin d’un « Andante cantabile » de Tchaikovsky, arrangé pour violoncelle et orchestre, chargé d’émotion, qui rappelle la version qu’en livrait le quatuor Borodin dans sa simplicité, sa fragilité et son supplément d’âme.