Présenter en une même soirée un opéra de Kurt Weill et un opéra de Puccini : véritable bonne idée ou fausse bonne idée ? Non contente d'afficher ensemble les deux ouvrages , l’équipe artistique s’est engagée dans une proposition d’ensemble, cherchant absolument à lier deux partitions finalement sans grands points de concordance. On se réjouissait pourtant d’entendre la création française de Royal Palace de Kurt Weill ainsi que de découvrir l’un des volets du rare Trittico de Puccini : Il Tabarro. À la vue du résultat, les réserves l’emportent malheureusement sur l’euphorie.
Marie-Ève Signeyrole propose une dramaturgie nouvelle pour créer un pont entre les deux ouvrages. Et l’entreprise est complexe. Si complexe que la note d’intention de mise en scène n’est pas superflue pour saisir l’angle de vue, d’autant que les œuvres sont peu connues. Si l’on a apprécié l’audace de la proposition, le fait de conditionner celle-ci à la lecture « d’un mode d’emploi » est beaucoup moins plaisant. Bien en peine, le spectateur est livré à lui-même face à cette proposition conceptuelle à l’extrême. Pour une maison qui se targue de démocratiser l’opéra et dont l’intitulé de la prochaine saison n’est autre que « Partage et diversité », il est permis de se questionner sur l’effectivité de cette démocratisation.
Dans la conception de Marie-Ève Signeyrole, Royal Palace n’est qu’un mauvais rêve de Michele, personnage de la seconde œuvre de la soirée : Il Tabarro. Dans cet opéra Michele est marié avec Giorgetta mais celle-ci le trompe avec Luigi. D’un autre coté, Royal Palace présente une star adulée par trois figures masculines : le mari, l’amant d’hier et l’amoureux de demain. Royal Palace servira donc à exposer ce qui se passe dans la tête de Michele et, de manière plus générale, dans celle du mari trompé. Un lien est ainsi tissé entre la starlette adulée de l’opéra de Kurt Weill et Giorgetta s’épanchant dans les bras d’un autre homme. Passons sur cette dramaturgie pour le moins capillotractée.
Puisque Royal Palace est finalement un mauvais rêve l’action peut librement être déplacée d’un palace luxueux sur les bords d’un lac (tel que prévu à l’origine), à une carcasse d’avion échouée en mer. Le plateau est lui-même entièrement recouvert d’eau. Comme tout n’est que chimère, il n’y a aucune incohérence à imaginer des naufragés en train de se livrer à une entreprise de séduction. Aucun souci non plus à voir les personnages présenter des chorégraphies en pleine mer, à changer de tenue à leur guise ni même à s’octroyer au milieu de la mer déchaînée (dont la projection omniprésente soulèvera le cœur des non marins) un petit bain de soleil sur une aile d’avion. En tous cas, les spectateurs en ont visuellement pour leur argent : projections vidéo, panneaux coulissants, boule à facettes, direction d’acteurs au cordeau. Devant, derrière, en haut, en bas : l’attention est souvent détournée sur des détails insignifiants.