Après son cycle des symphonies de Beethoven avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin, Sir Simon Rattle revient à la Philharmonie en ce mardi 12 avril. Chaque apparition parisienne de ce grand chef constitue un événement. Il s’unit cette fois-ci au London Symphony Orchestra en proposant un concert comprenant les Couleurs de la Cité céleste d’Olivier Messiaen, suivies en seconde partie de la monumentale Symphonie n°8 d’Anton Bruckner.
Après dix-sept années passées à la direction de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, le chef anglais s’apprête en septembre 2017 à devenir le directeur artistique du LSO, phalange qu’il connaît depuis 1977 alors qu’il avait tout juste 22 ans. Il est alors intéressant de considérer le concert de ce soir sous cette perspective, comme un état des lieux avant que le chef, on l’espère, ne fasse avec l’orchestre un travail aussi abouti, aussi approfondi et minutieux que celui effectué avec l’orchestre de Berlin. Si les qualités du LSO ne sont plus à prouver, ni celles d’ailleurs de Simon Rattle, l’étonnante flexibilité de l’orchestre laisse présager une collaboration remarquable, et peut-être dans quelques années sera-t-il important de se souvenir de ce concert du 12 avril à la Philharmonie.
Le concert tant attendu s’ouvre avec les Couleurs de la Cité céleste d’Olivier Messiaen, pièce écrite en 1963 pour petit orchestre et piano, avec ici Pierre-Laurent Aimard au piano. Cette œuvre se réfère à l’Apocalypse dont Messiaen cite cinq citations ayant inspirées la partition, dont : «Un arc-en-ciel encerclait le trône… », « L’éclat de la ville sainte est jaspe cristallin…», «Les fondements du mur sont ornés de toutes sortes de pierres précieuses : jaspe, saphir, calcédoine, émeraude…». C’est donc le champ de la couleur et de la lumière dans cette Apocalypse qui inspire Messiaen, et à écouter les musiciens interpréter cette œuvre, l’intérêt réside bel et bien dans le souci d’expression de la couleur à travers la matière sonore. Les instruments sont rarement individualisés, mais participent d’une texture, d’une « pâte » à travers les résonances desquelles les couleurs et les teintes se développent. L’acoustique de la Philharmonie amplifie ces résonances, les laissent s’agréger, s’amplifier, se métamorphoser. Grâce aux xylophone, marimba, xylorimba et cloches en tubes, certaines sonorités totalement inédites se font entendre. Et lorsqu’à deux reprises l’œuvre fait appel aux grands gongs, l’intensité sonore absolument ahurissante fait fusionner les couleurs dans une crispation extatique, proche de la saturation. Le rôle du piano dans cette œuvre est assez ambigu. Maintes fois il a un rôle similaire à celui des marimba et xylophone, apportant à ces derniers une résonance tout à fait nouvelle. Cependant, face à cette richesse de teintes de l’orchestre digne des plus grands coloristes, le son du piano paraît faiblard et malingre lorsqu’à plusieurs reprises il se singularise. Pierre-Laurent Aimard aurait sans doute pu avoir une sonorité plus ample, plus profonde.