Il y a tout juste un mois était jouée à la salle Pleyel la Passion selon saint Jean, par le Bach Collegium Japan dirigé par Masaaki Suzuki. Ce 15 avril, c’est au tour de Ton Koopman de proposer une passion de Bach: cette fois, la Passion selon saint Matthieu, interprétée par l’Amsterdam Baroque Orchestra and Choir. Un oratorio absolument incontournable, dont la subtilité musicale dépasse le cadre de la foi.
La Passion selon saint Matthieu (BWV 244) a été spécifiquement écrite par Bach pour le Vendredi Saint. Elle a été créée en 1727 à l’église Saint-Thomas de Leipzig, dans le cadre de l’office très étendu qui célébrait le jour de la mort du Christ. L’organisation de l’œuvre semble assez simple en principe: elle fait alterner chorals, récitatifs et airs, à l’image de la forme italienne de l’opera seria. Pourtant, la composition présente un déroulement d’une finesse peut-être jamais égalée, en ce qu’elle suit le déroulement de l’Evangile, textuellement mais surtout musicalement. La pratique employée, appelée figuralisme, met en lumière la symbolique inhérente au message religieux par le biais de la symbolique irrigant les motifs musicaux. Cet éclairage de la parole sacrée se voit renforcé par le choix de faire varier l’orchestration selon les atmosphères successives du drame, ainsi que par la spatialisation requise au moment de la création (deux chœurs et deux orchestres répartis dans les tribunes de l’église). L’ensemble constitue un cheminement spirituel tellement intense que Nietzsche va jusqu’à affirmer: «quiconque a désappris le christianisme croit entendre ici un nouvel Evangile».
L’interprétation de l’Amsterdam Baroque Orchestra and Choir est remarquable de justesse et de richesse quant aux couleurs des timbres et au chatoiement des harmonies. Le discours musical ne perd jamais sa fluidité ni sa cohérence, et restitue grâce à un rebond léger une dynamique baroque empreinte de profondeur religieuse. L’homogénéité du chœur est saisissante: les entrées successives des voix se détachent avec une parfaite précision les unes des autres pour peu à peu se fondre en une masse puissante, au son magnifiquement plein. Le chœur adulte est soutenu dans la première partie par le Jeune Chœur de Dordogne, bien impliqué, comme saisi par la beauté de l’œuvre.