Tout à la fois satire politique et conte de fées fantastique, Le Coq d'or semble taillé sur mesure pour Barrie Kosky, qui relève le défi avec un esprit sombre teinté de burlesque surréaliste – un chœur de têtes de chevaux dansant en bas et porte-jarretelles, ça vous dit ? Du Kosky pur jus. La première représentation de cette coproduction avec le Festival d'Aix-en-Provence (où elle aurait dû être créée l'été dernier) et le Komische Oper Berlin a eu lieu hier soir à l'Opéra de Lyon, devenant ainsi la dernière nouvelle production du règne de Serge Dorny, avant que le directeur ne prenne les rênes du Bayerische Staatsoper.
Composé par Rimsky-Korsakov, d'après Pouchkine, l'opéra raconte la fable d'un tsar paresseux, paranoïaque à l'idée d'une invasion mais paralysé par l'inertie et l'indécision. En se moquant ainsi d'un dirigeant politique, Rimsky fait de son opéra une critique à peine voilée de la campagne désastreuse du tsar Nicolas II pendant la guerre russo-japonaise. Comme on pouvait s'y attendre, l'œuvre est tombée sous le coup de la censure et n'a été créée qu'un an après la mort du compositeur.
Les metteurs en scène ont le choix en termes de dirigeants politiques à parodier. Boris Eltsine, par exemple, était la cible évidente de la mise en scène de Dmitry Bertman au Deutsche Oper am Rhein. Kosky ne semble pas avoir de dirigeant particulier à l'esprit et ne situe pas non plus l'opéra de Rimsky en Russie. Au lieu de cela, le tsar Dodon règne sur un terrain vague herbeux dominé par un arbre mort. Superbement chanté par Dmitry Ulyanov, dont la basse est solide et résonnante, Dodon est un plouc, habillé de sous-vêtements crasseux, avec pour seul signe extérieur de royauté sa couronne dorée. Tout le monde a apparemment des vues sur cette couronne, depuis ses fils – des huiles serviles – jusqu'à sa gouvernante vampirique, Amelfa. Le général Polkan est représenté par une tête de cheval (avec une troupe de danseurs en guise de soldats).
Le manipulateur en chef est l'Astrologue, qui arbore ici une longue barbe blanche digne de Rimsky et une robe noire sobre. C'est un rôle de ténor stratosphérique mais Andrei Popov s'en sort vaillamment. Répandant des plumes de son sac à main, le « coq d'or » se manifeste au sommet de l'arbre, homme à moitié nu et muni de serres métalliques, dont le chant est chanté hors scène par la délicate soprano Maria Nazarova. La monture de Dodon est un destrier squelettique amené par l'astrologue, un engin tout droit sorti de chez Heath Robinson, dont les jambes font les mouvements d'un galop alors qu'il reste immobile – une métaphore politique à appliquer au dirigeant incompétent de votre choix.