Jeudi 12 janvier dernier, le Convention Palace de Bethléem accueillait Amandine Beyer dans un programme consacré à Corelli, après une semaine de résidence où la violoniste française a formé un orchestre de jeunes musiciens particulièrement talentueux. Conçu comme la préfiguration d’un vaste projet de « Philharmonie de Palestine » imaginé par les responsables locaux, ce concert a été marqué par l’engagement et les qualités extrêmement prometteuses des interprètes.
Professeur à la Scola Cantorum de Bâle, Amandine Beyer n’a jamais caché sa passion de l’enseignement. C’est donc avec enthousiasme qu’elle a accepté, avec quelques membres de son ensemble, l’invitation de la Bethleem Philharmonic Society, structure en cours d’élaboration, à venir rencontrer et former des jeunes musiciens palestiniens. Elle a ainsi constitué un orchestre de 30 instrumentistes jouant avec archet classique et soutenus par une basse continue imposante (clavecin, épinette, théorbe, guitare, violone et 5 violoncelles). Cependant, loin de tourner le dos à la culture arabe, Amandine Beyer a opté pour l’apport d’instruments vernaculaires, incluant un qanoun (instrument à cordes sur table), un buzuq (luth de la Méditerranée orientale) et une percussion.
Ce métissage colorera le programme, notamment le célèbre Canon de Pachelbel qui débute ce concert. Matthieu Camilleri, à la tête de l'ensemble, choisit un tempo extrêmement rapide et dansant, donnant à cette pièce si souvent jouée avec une lourdeur sentencieuse, une grande légèreté, proche de l’improvisation. Elle se termine par un solo étonnant de qanoun, aux sonorités équivoques d’une échelle harmonique plus riche que la simple gamme occidentale. Ce balancement Orient-Occident revient ensuite vers Corelli. L’auditeur peut alors entendre quatre concerti grossi de l’opus 6. Le choix s’avère particulièrement judicieux, car ces concerti ont en effet la particularité d’être écrits pour un « concertino » de deux violons et un violoncelle solistes, dialoguant avec l’orchestre. Cette formule permet à Amandine Beyer d’inviter pour chaque concerto un violoniste et un violoncelliste palestiniens différents, formant ainsi quatre concertini successifs.
Dans le premier concerto (opus 6 n°1), Amandine Beyer est rejointe par Mahmoud Karzon au violon et Suhail Canaan au violoncelle. Le premier mouvement installe une atmosphère calme qui perdurera pendant toute l’œuvre. Amandine Beyer évite le côté facilement brillant de la pièce pour lui préférer une lecture plus reposée et plus simple. On soulignera en particulier la finesse de l’adagio, porté par les sonorités délicates et soyeuses des solistes et de l’orchestre. Le second concerto fait appel cette fois à un concertino exclusivement féminin, avec l'arrivée de Lourdina Baboun (violon) et Tibah Saad (violoncelle). Lourdina Baboun, récemment diplômée du Conservatoire de Paris, est peut-être la plus avancée du groupe dans la maîtrise des codes de la musique baroque italienne, et répond brillamment au dialogue engagé avec son aînée française, en particulier dans le second mouvement, joué très vif avec un plaisir nourri de complicité. Ici, Amandine Beyer montre toute sa maîtrise de l’instrument, en particulier de l’archet, qui lui permet de sculpter les dynamiques avec une très grande précision et beaucoup de relief.