Deuxième volet d’un diptyque brahmsien à Genève, ce vendredi allait couronner deux Brahms pléthoriques précédés de la Suite lyrique d’Alban Berg, sous la direction de Jonathan Nott.
Pendant du Erwartung de Schönberg proposé lors du concert précédent, la Suite lyrique d’Alban Berg est baignée d’un post-romantisme exacerbé que souligne la dramaturgie sous-jacente. Si des effets sonores ont pu ravir les auditeurs (tels les pépiements de la fin de l’« Allegro misterioso »), on a été envoûté par les sinuosités de cordes graves au sein des grands aplats de violons : saisissant !
C’est avec la très lyrique Rhapsodie pour alto, chœur d’hommes et orchestre de Brahms que le programme se poursuivait. Soulignons d’emblée l’excellence de l’alto solo Gerhild Romberger qui offre aux mots de Goethe son timbre somptueux, sublime de noirceur, aux aigus suspendus. L'œuvre laisse poindre dans sa conclusion la foi de Brahms par le truchement du très beau groupe d’hommes de la Zürcher Sing-Akademie, merveilleux d’homogénéité. La conclusion lumineusement sereine de cette détresse d’un vagabond solitaire nous rappelle le Requiem et ce Brahms confiant dans l’idée de la mort : émotion.
En deuxième partie de concert, l’Orchestre de la Suisse Romande nous a gratifié d’une sublime intervention de Jean-Pierre Berry, cor solo, en guise d’introduction du Concerto pour piano n° 2 de Johannes Brahms. Nicholas Angelich s’est paré d’un piano cathédrale, superbement charpenté, soutenu par un orchestre galvanisé par le chef Jonathan Nott. Par rapport au premier concerto donné deux jours plus tôt, la pièce semble bénéficier d'une lecture plus unifiée, moins fragmentée. Nous retrouvons avec joie chez le soliste ce lyrisme sans ostentation mais non dépourvu de brillance. Et quel dialogue entre le concertiste et les vents qu’il cherche en permanence du regard afin de mieux ajuster le discours. Son dialogue avec ces douces vagues de flûtes, qui flottent au-dessus des râles sombres des contrebasses, est un grand moment de la soirée.