Des spectateurs qui s’interpellent d’un bout à l’autre de la salle, des discours attendris des deux associations qui parrainent la soirée, deux frères sur scène : c’est une ambiance intimiste qui règne sur la salle Cortot. Michaël et Nicolas Seigle, respectivement violoniste et violoncelliste, donnent d’ailleurs le ton en expliquant avec beaucoup de pédagogie leur interprétation, centrée sur l’amitié qui unissait le très célèbre Paganini à son maître méconnu, Alessandro Rolla, et sur l’aspect opératique de l’écriture de leurs duos.
Le Duo n° 3 en la majeur de Paganini, qui ouvre le concert, est l’occasion pour les deux interprètes d’exposer plus en détail leur lecture, théâtrale et espiègle. Bien que l’écriture de l’« Allegro » soit relativement simple – thème au violon, accompagnement au violoncelle puis inversement – les deux instrumentistes tentent de faire ressortir ses moindres subtilités, notamment en proposant des contrastes saisissants et de vrais piano, facilités par la proximité du public et l’acoustique généreuse de la salle. Son presque détimbré, absence de vibrato, ou au contraire brillance des trilles extrêmement serrés du violoniste dans la « Polonaise » sont autant d’effets qui animent cette musique par ailleurs assez classique, loin de la virtuosité diabolique des Caprices.
La parenté de Rolla avec Paganini apparaît évidente à l’écoute de son Duo n° 1, bien que celui-ci mette davantage à l’épreuve la virtuosité des musiciens. Toujours avec la même malice, le duo surmonte sans peine les enchaînements d’octaves du premier mouvement. Il manque toutefois une vision globale de la pièce : les phrases musicales semblent hachées et le dialogue rompu par le violoncelle, qui couvre le violon dès que celui-ci s’aventure dans les piano. C’est donc plutôt le talent du violoncelliste, Nicolas Seigle, qui est mis en lumière ici, et notamment son très beau son, puissant et pur, dans le chant du deuxième mouvement. Dans le finale, les interprètes s’efforcent de continuer à mettre en valeur le dialogue et les coups de théâtre, mais la fatigue se fait sentir : les coups d’archet fouettés du violoniste deviennent durs, les notes brutalement enflées se multiplient, les traits manquent de synchronisation. On retiendra tout de même l’extrême difficulté du trait conclusif, au violon, que Michaël Seigle parvient à surmonter, et qui rappelle que Rolla, avant Paganini, fut l’inventeur de nombreuses astuces de virtuosité au violon.