Dans le cadre de son festival annuel, l’abbaye d’Ambronay accueillait samedi 12 septembre au soir l’un des plus beaux chefs-d’œuvre de la musique sacrée : la Messe en si de Jean-Sébastien Bach, interprétée par Collegium 1704 (orchestre et chœur) sous la baguette de Vaclav Luks. Si l’œuvre en elle-même suffit à transporter de joie tout mélomane, qu’il soit croyant ou non, la version de l’ensemble tchèque a su particulièrement révéler la beauté éblouissante de la messe sans pour autant trahir son caractère par essence sacré. Une interprétation très enthousiasmante, cohérente et déterminée, animée et profonde.
La Messe en si mineur BWV 232 de Jean-Sébastien Bach est associée à la fin de la vie du compositeur, mais l’histoire de sa genèse est plus complexe et permet de comprendre pourquoi sa stylistique est si riche, si exceptionnellement diversifiée. La première partie de la messe, le Kyrie et le Gloria, constitue à elle seule une messe brève autonome composée en 1733 ; les parties suivantes, en revanche, ont été rajoutées postérieurement, aux alentours de 1748 (alors que Bach décède en 1750). Dans la version finale, de nombreux numéros sont des reprises de compositions de Bach déjà existantes, remaniées afin de former, une fois ensemble, un tout unifié. La durée de la Messe (près de deux heures) et l’enchaînement continu de parties distinctes nécessite de la part des interprètes une construction précise, une vision homogène de la première à la dernière note afin de permettre à l’œuvre de se déployer sans qu’elle paraisse composite.
L’orchestre, Collegium 1704, fait preuve dès le début d’un dynamisme très appréciable qui ne fait pas non plus défaut au chœur, Collegium Vocale 1704, rassemblant quatre voix environ par partie. La musique avance avec aisance, rondeur, souplesse. Les deux solistes du Christe, Miriam Feuersinger (soprano) et Sophie Harmsen (mezzo) s’impliquent toutes deux avec autant de plaisir dans leur partie, tant musicalement par le travail de la voix que physiquement par leur présence sur scène, et font preuve d’une cohésion remarquable ; leurs respirations sont coordonnées, leur articulation est limpide et leurs timbres sont équilibrés. Puis Vaclav Luks lance le deuxième Kyrie (tutti) dans un tempo vraiment rapide, ce qui surprend un peu mais s’avère fonctionner à merveille. La ferveur qui anime la direction du chef est partagée par les instrumentistes et les chanteurs. Le Gloria retentit comme une véritable louange, convaincue et par conséquent convaincante. Le choix de la pulsation énergique crée une sensation de léger rebond – propre au baroque – qui insuffle élasticité et naturel à chaque numéro, sans toutefois le priver de ses couleurs propres, exprimées dans le texte et au travers des différences d’orchestration. Le Laudamus te de la mezzo est simplement extraordinaire, d’une précision stupéfiante, irradiant de joie (restitution magnifique de l’expressivité des paroles), et magnifié par le timbre délicieux d’une interprète sans nul doute hors du commun.