Le grand orgue de L'Auditorium, à l'image de la ville de Lyon, a revêtu ses habits de lumière. Sous les doigts de Pierre-Yves Fleury, le voilà prêt à dialoguer avec la harpe d'Aurélie Sarf, les percussions de Roméo Monteiro et Etienne Rochefort, danseur. Le programme est résolument éclectique et met en correspondance différentes esthétiques. Pièces arrangées pour le trio de ce soir, œuvres pour orgue et interludes de harpe se mêlent harmonieusement. Ce n'est pas un hasard si la soirée porte le nom de “Synesthésie”. En effet, une multitude de perceptions adviennent de l'association de la musique, de la danse et de l'éclairage. Il nous est tantôt donné à voir, tantôt à entendre. Peut-être même s'agit-il de nous donner à voir le son.
Nous en voulons pour preuve le prélude de Pelléas et Mélisande de Fauré, arrangé par Louis Robillard pour la formation inhatituelle de ce soir. Cette pièce d'ouvertue est l'occaion d'admirer l'orgue paré de mille couleurs par Philippe Quattroccolo à la conception informatique et Robin Perrey à la mise en lumière. A chaque registre correspond un spectre lumineux. Au delà de mettre en valeur les mécanismes de l'instrument, il s'agit aussi de donner vie aux sons en les matérialisant physiquement. Les trois interprètes complices l'ont bien compris et ne lésinent pas sur la gestuelle, ample et claire, participant de la cohérence de leur interprétation car leur disposition, sur le plateau, ne rend pas possible le contact visuel. Si l'on comprend bien que ce placement en bord de scène côté jardin a pour objetctif de ménager un grand espace central au danseur il n'en demeure pas moins que les soli de harpe d'Aurélie Sarf eûent étés plus appréciés encore si un espace lui avait été réservé.
La seconde pièce, le Prélude à L'Après-Midi d'un Faune arrangé par Jörg Abbing marque l'entrée en scène d'Etienne Rochefort. Comment ne pas avoir en mémoire la chorégraphie de Nijinski ou bien encore celle de Malandrin ? Or, nous regardons le danseur proposer un mélange de breakdance et de contemporain avec beaucoup de joie. Prenant véritablement possession du plateau, il semble même contrôler celui-ci en faisant apparaître d'un geste des ronds de lumière sur le sol au centre desquels il tournoie comme par magie. Il quitte la scène et ne reviendra que bien plus tard (trop tard?) dans la soirée sur un extrait de l'Ile des Morts toujours arrangé par Robillard. Ces courtes minutes nous laissent le souffle court. Rochefort danse une même séquence qui se répète, toujours un peu plus ample, avant de se développer et d'être comme rambobinée. L'expressivité du danseur est telle qu'il nous semble réellement l'entendre crier. Mais ce cri demeure sans son et c'est l'orgue déchaîné qui donne voix au danseur. Enfin, “Il Vecchio Castello” extrait des Tableaux d'une Exposition de Moussorgski, arrangé pour orgue par Pierre-Yves Fleury lui-même, voit le performer disparaître au cœur d'un feu de lumière se rétrécicant petit à petit. Les trois interventions de ce danseur sont glaçantes d'intensité. Les énergies se complètent, s'opposent parfois. Nous assistons bien davantage à une pièce de théâtre qu'à la simple exécution d'une chorégraphie.