C’est à grand renfort de cuivres et d’orgue que la salle Henry Le Bœuf reprend des couleurs, rendant hommage par la même occasion au très regretté maestro Patrick Davin. Amputé du Concerto pour violon de Korngold initialement prévu, le concert de ce dimanche 20 septembre n’en a pas pour autant perdu de son énergie et de sa lumière, aussi bien dans la pièce pour orgue et orchestre que dans la Symphonie n° 9 de Dvořák.
L’organiste et compositeur Benoît Mernier nous offre son arrangement du Choral en si mineur de César Franck pour orgue et orchestre pour commencer la soirée. À travers une musique épurée, les magnifiques timbres de l’Orchestre Symphonique de la Monnaie et de l’orgue du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles s’entrelacent et dialoguent merveilleusement. C’est dans une ambiance très intense et dramatique que les sonorités chaudes des cordes et des cuivres résonnent, laissant parfois la place à de très belles interventions de clarinette basse. La ferveur initiale du jeu de Benoît Mernier se mue peu à peu en véritable instinct de conteur : d’un jeu précis et ample il donne corps à une scène quasi épique. On se retrouve aisément happé par la progression et l’étagement des nuances, bousculé par les contrastes de dynamiques et de phrasés. Les transitions orchestre-orgue sont d’une fluidité confondante, les timbres se mariant à la perfection. Si les quelques soucis d’intonation de la flûte et du hautbois peuvent parfois gêner l’écoute, on reste quand même transcendé par la sobriété et l’intensité de cette orchestration d’un des chefs-d’œuvre de César Franck et par la formidable énergie dramatique que Mernier y a insufflée.
Lorsqu’Alain Altinoglu reprend les rênes du concert, il conserve les mots-clés de la pièce précédente : drame et intensité. Mais à cela il ajoute une notion qui colorera le cœur de son interprétation : l’urgence. Une urgence si profonde et si organique qu’elle donne l’impression d’une symphonie apocalyptique. Les violoncelles entament élégamment le premier mouvement, mais bien vite l’atmosphère est totalement renversée. Les cuivres grondent et les timbales résonnent, créant un véritable relief par rapport à la sécheresse des cordes. L’intervention des cors retentit comme un écho lointain, apportant une angoisse et une ombre à la limite du fantastique. Mais malgré cette violence, le chef parvient à donner beaucoup d’allure aux différents éléments thématiques : les phrasés sont vivants et la gestion des plans sonores permet de mettre en valeur tout le génie d’orchestration d’Antonín Dvořák.