Dès l’ouverture, dans le noir, au son d’une voix parlée susurrant des mots d’Albert Einstein, et de tenus encore vagues, le ton est donné : L’Origine du monde ne se refuse l’accès d’aucun territoire, et ne s’embarrasse pas de démarcations. Le texte, comme dans les précédents opus de la trilogie de Gérard Lesne – Shaman et Tempus Fugit – y tient une place de choix, au sens de tissu, de fragment de langage barthésien : poétique, philosophique, il dialogue habilement avec des incursions musicales et visuelles aux contours flous.
L’univers invoqué par Claudio Cavallari, entre décor mobile et images animées, diablement immersif, invoque tout à la fois les lieux du culte et de la culture – salons, église –, et d’une nature à l’échelle intergalactique contaminant peu à peu des lieux traversés par des ombres fantomatiques. Big bang ou fin du monde ? Le fil narratif ne prend heureusement pas des chemins si balisés. S’il traverse des étoiles et autres astres fantasmés, si la folie et la mort semblent jalonner ce parcours, ni la musique ni les images ne se font bêtement illustratives. Elles ne sont ni un ornement entre les célèbres airs de Bach, Haendel, Charpentier et John Dowland, ni des pièces immédiatement identifiables et détachables du tout. Les mises en musique de Gérard Lesne s’avèrent d’une teneur manifeste, quoiqu’on préfèrera peut-être leurs accents contemporains, pop et rock – mention spéciale à Benjamin Perrot s’improvisant guitariste électrique, ou au versatile Brice Sailly – que les sonorités 80s un peu dépassées entendues par moment au synthétiseur. Le Seminario Musicale y fait montre d’une qualité d’interprétation admirable, entre le baroque dont ils sont coutumiers et qu’ils naviguent à la perfection, et ces incursions vers un contemporain qui ne semblent jamais en être.