« Tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté » disait Baudelaire dans son Invitation au voyage. Ce soir, au Palais Garnier, nous n’avons pas eu autre chose ! Un voyage ? Oui ! Ce récital proposé par le baryton français Ludovic Tézier en était bien un. Mais un voyage dans des terres poétiques entre lied et mélodie.
Luxueux ce récital l’est à bien des égards. Luxueuse et précieuse est la rencontre permise avec des textes d’une beauté confondante : Goethe, Müller, Eichendorff, Baudelaire, Jean de la Ville de Mirmont, Sully-Prudhomme, Gautier sont ici convoqués. Luxueux est l’agencement du programme offrant une première partie consacrée au Lied allemand et une seconde à la Mélodie française. Schubert, Schumann, Ibert, Duparc, Fauré et Berlioz se côtoient ici avec logique et cohérence. Luxueuse est enfin la technique déployée par l’interprète du jour ainsi que le soin porté à son texte. La moindre consonne est considérée à sa juste valeur, comme un soutien à la musicalité de la pièce. Tant en allemand qu’en français, le chanteur ne délaisse à aucun moment l’articulation ni l’attention au sens du mot. Les e muets du français sont délicatement amenés, tout comme les liaisons et autres petits détails qui font le charme de notre langue. Le texte allemand est également magnifiquement conduit.
Calme ? Ludovic Tézier en donne l’apparence. Allure altière, absence totale d’esbroufe et de gestuelle grandiloquente. Tout respire le contrôle : chaque mot, chaque phrase a été réfléchie et pensée. La délicatesse, la finesse et l’attention aux variations de couleurs sont ici les maîtres mots.
Volupté ? Si l’on prend le terme dans le sens de plaisir des sens, l’ouïe a été ravie. Les textes évoqués sont également une stimulation permanente à l’imaginaire surtout lorsqu’ils sont servis par un conteur aussi magistral. Les roulis de la mer, le chevauchement du cheval, le balancement des bateaux sur l’eau, la nature luxuriante sont ici parfaitement lisibles.
Alors oui, pour être parfaitement objectif, il faudrait évoquer une certaine raideur du chanteur notamment en début de concert. Quelques toussotements trahissent probablement une méforme vocale. Mais le chanteur est humain et ce genre de méforme peut survenir à n’importe quel moment. C’est surtout dans ce genre de situation que l’on parvient à cerner celui qui saura user de sa technique pour éviter de se faire mal davantage. À ce travail, Ludovic Tézier est un expert ! Soutien incroyable et permanent du souffle, placement soigné de la voix, soin de la projection, aigus mezza voce voire en tête viennent combler cette légère raideur dans l'aigu. Autre petit bémol : la pianiste Thuy Anh Vuong qui ne parviendra pas à sortir du simple rôle d'accompagnatrice.