Un véritable écho du passé s’empare ce soir de la Salle Gaveau sous l’impulsion du légendaire violoniste israélien Shlomo Mintz dont les apparitions se font de plus en plus rares. A la manière de son mentor, Isaac Stern, Shlomo Mintz, s’associe au pianiste israélien Itamar Golan, qui a créé le métier de « pianiste chambriste » par son seul dévouement à la musique de chambre malgré ses qualités de soliste, et à la violoncelliste franco-américaine Sonia Wieder-Atherton, élève de Maurice Gendron et artiste au talent singulier dont l’ouverture d’esprit l’amène à faire vivre l’art musical sous toutes ses formes comme lors de son spectacle Danses Nocturnes avec l’actrice Charlotte Rampling.
Le concert s’ouvre sur la Sonate pour violon et piano MWV Q 26 en Fa Majeur de Felix Mendelssohn. Shlomo Mintz reprend le thème au violon avec agilité, un son chaud et ample qui rappelle celui d’un alto par son timbre. Dans la partie centrale enlevée et enjouée, aux attaques précises et suites de pizzicati répondent des accords graves accentuant la respiration par un bel usage du rubato. Dans la réexposition, le pont aux sonorités romantico-baroques si caractéristiques de l’écriture de Mendelssohn est souligné à la manière d’une véritable partita baroque au violon où le légato fait merveille.
Dans l’Adagio, Shlomo Mintz met en lumière l’introspection douloureuse qui tiraille l’esprit du compositeur allemand en étirant les lignes au travers d'un usage intelligent du vibrato. De son côté, Itamar Golan s’attache à faire vivre la seconde voix intérieure, plus lumineuse. L’Assai Vivace est animé, gai, même facétieux avec ses suites d’accords au piano et attaques au violon jouées avec éclat et précision, faisant place à des progressions haletantes où Shlomo Mintz étire les fins de phrase sur des crescendo à la manière d’un chanteur de belcanto.
Le rare Duo pour violon et violoncelle Op. 7 de Zoltán Kodály permet d’introduire Sonia Wieder-Atherton au violoncelle. Composé en 1914 alors que la Grande Guerre vient d’éclater, cette pièce est le véritable témoignage sonore d’une époque avec son atmosphère alarmante et étouffante. L’Allegro serioso, non troppo est marqué par l’utilisation de thèmes folkloriques hongrois destructurés en complaintes par des successions de portamenti et attaques perçantes au violon, auxquelles répondent des pizzicati graves au violoncelle de Sonia Wider-Atherton qui hypnotise déjà par la rondeur et la profondeur de son timbre. Le mouvement se clôt sur une danse évanescente, énigmatique, laissant monter la terreur au sein de l’auditoire sur un violoncelle sifflant comme une sirène de navire.