Foule des grands soirs ce vendredi au Victoria Hall dont on pressentait l’envie de découvrir ce nouveau chef titulaire de l’Orchestre de la Suisse Romande. Jonathan Nott, élu par plus de 92% des musiciens de l’orchestre, a opté pour un programme hommage à l'occasion de son intronisation. Beau parcours musical sur le papier, tout entier tourné sur la matrice originelle de l’Orchestre de la Suisse Romande, d’Ansermet à Armin Jordan en passant par Charles Dutoit : Ravel avec sa Rhapsodie espagnole, son Concerto en sol majeur pour piano et orchestre, ainsi que les Images de Claude Debussy. L’idée est charmante, qui plus est, associée au pianiste français Pierre-Laurent Aimard.
Les beaux aplats lancinants du début de la Rhapsodie espagnole offrent à entendre un orchestre attentif, dont on note la suavité des cordes, la douceur des attaques, la qualité des vents. Le chef dirige avec beaucoup de sobriété, sans pour autant tomber dans une aridité délétère et on ressent le plaisir de l’orchestre à interpréter ces musiques colorées.
Chatoiement de l’Allegramente du Concerto en sol majeur de Ravel : cette pièce convient parfaitement aux vents de l’orchestre qui saisissent l’opportunité de parer chacune de leurs interventions chambristes d’autant de couleurs subtiles et bigarrées que l’œuvre en recèle. A noter la belle intervention de la harpiste Notburga Puskas qui fait songer aux ambiances iodées de Britten et ses Christmas Carols ou autres Interludes de Peter Grimes...
Malgré le beau et subtile discours de Pierre-Laurent Aimard, on regrettera parfois un piano un peu en deçà, embrumé, suivant plus que ne suscitant. Le mouvement lent fit son effet, simple, ne sombrant pas dans la nostalgie. C’est avec la flûte stratosphérique de Sarah Rumer que le frisson vint : distillant un phrasé subtil, sa flûte se fit boisée et colorée dans les graves pour paraître diaphane et élyséenne dans ses aigus. On soulignera le moment de grâce qu’offrit Alexandre Emard au cor anglais avec une phrase étirée à l’envi et dont le lyrisme aura imposé un moment d’intense musicalité, relayé par un aplat de cordes magnifique dans son pianissimo.