Aux origines du péplum, le romantisme : ce que Camille Saint-Saëns accomplit avec son seul opéra resté au répertoire avoisine les grandes toiles historiques de Delacroix. La nouvelle production de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, en coproduction avec l’Opéra et Ballet National de Slovénie à Maribor, reste dans cette recherche de grandeur, tout en s’inscrivant dans une vision intemporelle de l’épisode biblique grâce à la mise en scène de Paul-Émile Fourny.
Comment faire trembler les murs et produire du grandiose sur une scène de petite taille, comme l’est celle de l’Opéra-Théâtre ? À Metz, on sait faire, quitte à inviter la harpe et les percussions dans les loges attenantes à la scène, et non dans la fosse d’orchestre. La mobilité des décors de Marco Japelj, des piliers massifs pouvant être joints ou séparés pour figurer les salles spacieuses d’un temple, d’un palais, les suites ou les geôles de ce derniers. L’idée de symboliser les chaînes qui enlacent les Israélites par des tissus, donne ainsi des effets saisissants. Lorsque, pour l’un des très beaux tableaux, les chœurs s’asseyent par terre au premier acte, le bleu de leurs manches en sur-longueur, flottant comme l’eau d’une rivière autour des enfants d’Israël, évoque le Psaume 136, Super flumina Babylonis –association naturelle, puisque Camille Saint-Saëns a aussi mis en musique ce thème-là. Quand Samson fait s’écrouler sur lui et les Philistins les murs du Temple païen en flammes, c’est attaché à deux piliers par le même moyen textile, qui ajoute à l’action kamikaze une sorte d’écartèlement tragique : n’est-ce pas aussi entre l’amour pour la perfide Dalila et la défense de son peuple et de son dieu qu’est déchiré Samson ?
Le public n’a pas à choisir entre le peuple d’Israël et les Philistins : lui sont offert, pour les trois premiers rôles de l’œuvre, trois belles voix : Vikena Kamenica, d’abord, qui semble porter toute seule sur ses cordes vocales le deuxième acte. Le mezzo albanais met au service de son rôle un timbre très intéressant, intense et incandescent, vraie Dalila. Son expressivité scénique suit les intentions de mise en scène à la lettre – la Philistine incarne autant la séduction que la vengeance aveuglante. Justement, la cécité : Jean-Pierre Furlan, en Samson, montre les deux pôles entre lesquels oscille le héros ; doté d’une force surhumaine dans les deux premiers actes, rompu, rasé, sans dreadlocks, il n’est plus que l’ombre de lui-même dans le troisième. Le ténor va instinctivement dans le sens de son rôle, très physique, plus en projection qu’en recherche de lyrisme intérieur, et c’est aussi dans cet élan épique qu’il est le plus convainquant, jusqu’au si bémol final. Impeccable, d’une belle prestance et rayonnant en grand-prêtre de Dagon, Alexandre Duhamel se joint aux précédents, faisant de nombreux adeptes par une technique équilibrée et une cohérence avec son rôle. Parmi les seconds rôles, on se rappellera encore Wojtek Smilek (Vieillard hébreux) et Patrick Bolleire (Abimélech).