Dernier des cinq opéras en un acte commandés au jeune Rossini et créé en 1813, Il Signor Bruschino reprend les différents ingrédients de la farsa giocosa, et offre une soirée truculente aux spectateurs, malgré l’absence de mise en scène. Se retrouvent en effet dans cet opéra tous les ingrédients qui font le succès du compositeur : une intrigue à la fois complexe et compréhensible, des personnages stéréotypés et une musique alternant beau chant, crescendos et scènes d’ensemble.
L’intrigue est une succession de quiproquos et de manigances où deux amants, Sofia et Florville, tentent de forcer le destin, en l’occurrence le père de la jeune fille qui refuse l’union de sa fille. Florville se fait donc passer pour le fils du Signor Bruschino. S’ensuivent de savoureuses scènes de quiproquos magnifiquement interprétés par les chanteurs, mais aussi le chef d’orchestre qui devient alors le confident de leurs projets.
Sous la direction précise et vigoureuse d’Enrique Mazzola qui semble sculpter la musique pour mieux en faire ressortir les aspérités, l’orchestre national d’Ile-de-France, malgré son effectif réduit, fait ressortir dès les premières notes le côté comique de l’opéra, tout en montrant un plaisir gourmand à jouer cette musique légère et chatoyante. Les airs virtuoses sont soutenus par l’orchestre, tout comme le magnifique solo de hautbois qui introduit l’air de Sofia.
Le plateau vocal est dominé par Alessandro Corbelli, incarnant Il Signor Bruschino, qui dès son entrée scande avec sa canne les coups d’archet des musiciens sur leurs pupitres. S’il répète inlassablement qu’il fait chaud, « Oh, che caldo ! », il projette sa voix sans effort pour épouser les différentes étapes de son rôle. Cajolé puis rejeté par Sofia, ridiculisé par celui qui se fait passer pour son fils et par Gaudenzio, puis tenant sa revanche quand il comprend la situation, il est à la fois drôle et émouvant et livre un jeu d’une grande finesse et une voix d’une grande profondeur.