Aurait-on mieux pu entamer cette année 2017 qui marque le 450ème anniversaire de la naissance de Monteverdi que par cette merveilleuse exécution de ce deuxième opéra (et premier chef-d’oeuvre) de l’histoire de la musique qui laissa le public nombreux du Palais des Beaux-Arts aussi transporté et émerveillé que devait l’être il y a 410 ans celui, certainement bien moins nombreux, qui assista à la création de cette sublime musique à la cour ducale de Mantoue en 1607 ?
Il faut dire que rien n’avait été laissé au hasard pour faire de cette exécution de concert une réussite. D’abord en réunissant deux ensembles de petite taille et de grande qualité: le Choeur de chambre de Namur dont la ductilité aisée et la beauté des timbres étaient un régal de tous les instants ainsi que la Capella Mediterranea, superbe ensemble instrumental de 22 musiciens. A la tête de ces deux formations se trouvait leur chef titulaire, l’excellent Leonardo Garcia Alarcón. Comme toujours avec le chef et claveciniste argentin, peu spectaculaire dans sa gestuelle mais totalement impliqué, ce qui frappe est un engagement total mais sans lourdeur et cette vraie joie de faire de la musique, transmise à tous les interprètes et qui donne un irrésistible coup de jeune à cette musique. Et comme tout paraît simple et facile avec lui !
Pour ceux qui auront connu les tâtonnements des courageux pionniers de la musique ancienne, le chemin parcouru en un peu plus d’un demi-siècle est saisissant. En premier lieu, la sûreté technique des instrumentistes va aujourd’hui de soi dans ce répertoire : beauté et souplesse des cordes, flûtes à bec aériennes, cornets à bouquins et trombones sans peur et sans reproche. On sera tout aussi élogieux pour le continuo assuré avec beaucoup de goût et d’imagination (et sans ornementations envahissantes), avec une mention spéciale pour la harpe envoûtante de Marie Bournisien.
Quant au volet vocal, on a en moins de deux décennies vraiment changé d’univers: le monde et le style de la musique ancienne sont aujourd’hui parfaitement naturels pour toute une génération de chanteurs qui n’a que faire des raideurs de leurs courageux prédécesseurs. On connaît bien sûr la familiarité des choristes namurois avec le répertoire baroque, mais quel plaisir d’entendre dans ce répertoire une remarquable distribution de chanteurs transalpins à la virtuosité aisée, au style impeccable, aux voix chaudes et séveuses, et bénéficiant de l’inappréciable avantage de chanter dans leur langue. On oublie le sérieux compassé de certains chanteurs du passé - souvent issus de la tradition anglicane ou des rangs estimables des disciples de Leonhardt ou Harnoncourt - pour se retrouver face à une distribution, vocale comme instrumentale, marquée par la jeunesse et le talent et qui sous la direction fine et légère de García Alarcón nous offrit une exécution pleine de vie et de fraîcheur.