La célèbre mais parfois controversée œuvre de Georges Gershwin, créée en 1935, s’arrêtait pour une semaine de représentation à l'espace culturel Odyssud à Blagnac avec l’orchestre, les solistes et le chœur du New York Harlem Theatre. L’ensemble, composé pour la partie scénique exclusivement d’Afro-Américains conformément aux volontés du compositeur, est devenu dans les dernières décennies la référence incontournable dans l’interprétation de cet opéra folklorique alliant styles classique, jazz et populaire. Il effectue actuellement une tournée européenne avec cette œuvre si particulière.
Emmené par son chef Richard Cordova, l’orchestre entame son introduction, masquant petit à petit le bavardage du public. Sans tarder le rideau se lève sur un quartier populaire de Charleston. Le décor, simple, laisse apparaître des habitations modestes en bois encadrant une cour et donnant sur le port en toile de fond. À l’horizon on aperçoit les mâts des navires des pêcheurs. Mobiles, montés sur roues, les décors s’interchangent rapidement, alternant entre scènes d’intérieur et scènes d’extérieur. L’austérité du décor et des costumes rend parfaitement l’ambiance d’époque du ghetto imaginaire de Catfish Row. Chacun s’affaire à ses activités sous le regard maternel de Clara (Heather Hill) qui entonne d’une voix brillante le fameux air Summertime pour bercer son enfant. On se surprend presque à découvrir la version lyrique de ce dernier, pourtant originale, tant la mélodie fut reprise et modifiée dans le monde musical du jazz. Malgré la petitesse de l'espace et une mise en scène très statique, les mimiques des uns et des autres ainsi que les remarquables arrêts sur image maintiennent le public attentif.
Porgy (Terry Lee Cook), l’infirme bien-aimé de la petite communauté apparaît enfin, sur sa planche à roulette et entonne ses premiers airs mélancoliques. S’ensuivent le caïd Crown (Michael Redding) et sa "fille" Bess (Indira Mahajan) vulgairement vêtue et sous emprise de la drogue, pour le plus grand divertissement du cynique Sportin’Life (Jermaine Smith) le dealer, élément perturbateur par excellence. Une relative disparité se fait ressentir dans l’équilibre des voix : la gente féminine, à commencer par Bess, mais aussi tous les rôles secondaires des épouses présentent des voix brillantes, extrêmement puissantes et vibrées, alors que les hommes, en très grande majorité des barytons, sont parfois difficilement audibles. Porgy reste par exemple dans une gestuelle redondante et ses airs ne restent pas en mémoire facilement.