L’opéra d’Amadeo Vives, sans doute le plus connu des zarzuelas espagnoles et œuvre majeure du compositeur catalan, retrouvait les planches du Capitole de Toulouse après une première représentation en 2007. Les metteurs en scène Emilio Sagi et Curro Carreres ainsi que le chorégraphe Goyo Montero jouissaient d’une expérience précieuse et renouvelaient leur collaboration avec le Théâtre pour cette pièce. Non moins habitués de cette salle, Ezio Frigerio et Franca Squarciapino s’attelaient eux pour la première fois aux décors et costumes de cet opéra. Le cortège des chanteurs était lui entièrement renouvelé par rapport à 2007, présentant les actuelles figures montantes du chant lyrique de l’autre côté des Pyrénées.
La direction musicale va également à un nouveau venu au Théâtre : Josep Caballé-Domenech, très largement applaudi. Le rideau s’ouvre, sans introduction musicale, laissant apparaître une magnifique architecture madrilène à pierre blanche rayonnante. Chacun s’affaire dans cette rue passante, en costumes d’époque, pendant qu’un quatuor introductif se présente : Aurora (Clara Mouriz) et Inere (Marga Cloquell), Fernando (Miguel Angel Lobato) et Cardona (Jesus Alvarez) exposant en toute naïveté la situation sentimentale des uns et des autres. Malgré la simplicité de l’intrigue et le très bon jeu d’acteur des artistes, l’action reste très clairement compréhensible. La richesse harmonique de la pièce colore l’atmosphère générale, voguant des phrasés lyriques très néoclassiques et d'autres plus archaïsants. L’opéra est pourtant composé en et créé en 1923.
Le jeu hors scène est également bien organisé, comme par exemple les confessions de Dona Francisquita (Elisandra Melian) à sa mère. Même provenant des coulisses, les voix, chantées ou parlées sont musicales et accentuées avec soin. Les musiciens itinérants du carnaval jouent sur scène le thème sur leurs luths et guitares avant que celui-ci ne soit repris par l’orchestre, le tout sous la surveillance avisée du chef. On retrouve le quatuor initial, puis le chœur en colla parte avec l’orchestre, les hommes échangeant avec les femmes de Madrid leurs visions de l’amour dans des fortissimos très prenants. Fernando est quelque peu masqué par l’orchestre et largement dépassé par la voix portante de Cardona, beaucoup plus portante et brillante. L’air du rossignol montre un jeu parfait de la soprane Dona Francisquita répondant avec une facilité déconcertante au xylophone dans le suraigu, qui plus est avec une gestuelle dynamique et comique. Ce premier air de bravoure est applaudi de tous côtés par le public avant l’entrée de sa mère Doña Francisca (Pilar Vazquez), elle aussi magistrale. L’ambiance du carnaval est à son comble. On fait sonner les cloches du Théâtre pour asseoir cette frénésie : on se croirait, avec un tel environnement sonore, dans les vraies rues de Madrid. Le rideau se referme sur une Doña Francisquita pleine d’espoir.