Confier l’ONF aux mains du fils et fidèle élève Ken-David Masur pour un programme dédié au grand Kurt relevait à la fois de l’évidence et de la gageure. Parcourir avec lui les pages les plus emblématiques d’un symphoniste au répertoire moins cosmopolite que viscéralement composite suffirait-il à invoquer la tempérance, la vigueur et l’affabilité de ses interprétations ? Il fut en effet émouvant de retrouver dans le maintien si particulier des mains, dans la minutie de phrasés sans accroc, dans la fluidité des tempi et de la battue du fils les souvenirs du père. Et d’en constater les prolongements plus personnels, ou du moins plus contemporains, dans ces poignets rompus sur les cadences, ou encore cette jointure du bras et du cœur qui accompagna les plus importantes montées en puissance. Car, plus qu’une école de direction, Kurt Masur incarnait une manière, une approche de la musique dont la juste mesure, entre connaissance du texte et naturel de la lecture, à défaut de sembler aujourd’hui d’une foudroyante modernité, a de quoi rester intemporelle.
Le très beau Schicksalslied, sorte de précis brahmsien, ouvrit ainsi brillamment le concert, porté par une texture solide, une vigueur bienvenue dans les attaques, et de très beaux échanges entre un Chœur de Radio France en bonne forme et des bois particulièrement remarquables. Le contraste avec cette robustesse de jeu, d’autant plus efficace que portée par une méticulosité évidente, n’en fut que plus criant une fois amorcées la douceur et l’élégance toutes mozartiennes de la Symphonie n°5 de Schubert. Rythmée par la fougue de ses échanges, la poignante simplicité de ses clairs-obscurs, la discrète virtuosité harmonique d’un Andante captivant, jamais policée par une fausse modestie, la Symphonie se fit ici intime, chaleureuse, et enthousiasma le public malgré le laconisme de son final.