Le programme annonce « Bouquet final » pour le dernier concert à Paris de Mikko Franck comme directeur musical de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, au terme d'une décennie de mandat. Pourtant on cherchera en vain le feu d'artifice et même les bruits de la fête dans une soirée somme toute bien sage, pour ne pas dire morose.
La présidente de Radio France a beau rappeler les dilections du chef pour ses compatriotes finlandais (Rautavaara, Sibelius dont une fascinante intégrale en 2024), Chostakovitch ou César Franck, on n'en entendra pas une note. C'est le chef lui-même qui a, semble-t-il, assemblé un programme pour le moins composite, dont on perçoit mal les lignes de force, sauf à vouloir démontrer la versatilité, la variété des goûts et des répertoires qui ont toujours caractérisé son art.
Bonne idée en soi que d'ouvrir avec une partition chorale de Gustav Holst, dont on ne connaît et ne joue que sa grande machine orchestrale Les Planètes ! D'autant que ses trois Hymnes choraux op. 24 inspirés du texte fondateur de l'hindouisme, le Rig Veda, outre qu'ils mobilisent le Chœur de Radio France et l'orchestre en grande formation, révèlent un aspect vraiment inconnu de l'œuvre et de la passion pour l'Inde antique du compositeur britannique.
Las, l'Auditorium de Radio France va vite démontrer les limites bien connues de son acoustique : dès les premiers accords massifs de l'« Hymne de guerre », la saturation est là. Côté public, on reçoit un déferlement qui semble mal contrôlé par le chef qui pousse ses musiciens dans leurs limites extrêmes. Le temps de souffler un peu avec le second hymne « au Dieu inconnu » où le chœur, parfois à découvert, accuse quelques problèmes de justesse et de décalage, et pour bien plomber la soirée, chœur et orchestre redonnent de la voix pour un « Hymne funèbre » tout engoncé dans la pompe victorienne.
Après cette entrée en matière pour le moins déconcertante, changement de décor musical. Ce qui était un peu le cheval de bataille de l'orchestre voisin, le National, et de solistes comme Bertrand Chamayou, le Cinquième Concerto pour piano dit « Égyptien » de Saint-Saëns nous est proposé sous les doigts de Jean-Yves Thibaudet. La virtuosité du pianiste français installé à Los Angeles est manifeste, la maîtrise d'une partition où Saint-Saëns multiplie les chausse-trappes est réelle... mais quel contraste avec le sérieux d'un accompagnement où l'on tente en vain d'entendre les trouvailles d'orchestration ! Jean-Yves Thibaudet revient sur scène pour dire qu'il tenait à être de cet hommage à Mikko Franck et pour jouer... la Pavane pour une infante défunte de Ravel. Fin de première partie en forme de mortelle randonnée !