Représentant rêvé de la culture symphonique française, Mikko Franck sait ce que ses meilleures heures doivent avant tout à son goût de l’ailleurs. Le programme élaboré pour la tournée du Philharmonique en Corée du Sud et en Chine, incluant Debussy, Ravel, mais également Beethoven, Sibelius, Rachmaninov et Gershwin, ainsi que le choix de la remarquable Yeol Eum Son, puis de Trey Lee et de Dmitry Masleev comme solistes témoignent d’une volonté d’accompagner ces hybridités musicales d’un désir similaire d’ouverture vers l’autre, et vers ses harmonies voisines.
C’est sur les habituelles percussions tonitruantes, cuivres rutilants, bois félins et cordes lyriques que s’érige la pianiste Yeol Eum Son, pour qui Gershwin ne semble pas avoir de secret. L’Allegro du Concerto en fa délie ses septièmes avec transport, se fait dansant sur ses accords syncopés, n’oublie jamais sous les doigts de la jeune sud-coréenne d’allier sincérité et légèreté, sentiment et exaltation, étrangeté et élégance. L’Andante aux ambages de ragtime fait retenir la trompette éraillée, par endroits approximative mais aux intentions admirables, d’Alexandre Baty, talonnée par des bois comme toujours exemplaires – la flûte de Magali Mosnier en tête, elle qui accompagne de son souffle les lignes mélodiques. Le piano y devient caisse de résonnance, tintinnabulation, face à un tutti en grande forme. L’Allegro final rend ses droits à une soliste virtuose, qui glisse des mélodies à la Rachmaninov vers une jouissance toute lisztienne, non sans humour. Ovation méritée pour Yeol Eum Son, qui propose en bis l’Etude n°7 op.40 de Nikolai Kapoustine, au swing tout aussi travaillé mais langoureux.