« Ce Requiem n’est pas un ouvrage éthéré, qui chante le détachement des soucis terrestres. Il reflète, dans la forme immuable de la prière chrétienne, l’angoisse de l’homme devant le mystère de la fin dernière. Il est souvent dramatique ou rempli de résignation, ou d’espérance, ou d’épouvante, comme les paroles mêmes de l’Écriture qui servent de liturgie. » Duruflé résumait ainsi son intention en écrivant le Requiem op. 9 – on aurait presque envie de dire : en revêtant avec simplicité les thèmes grégoriens de la messe des morts d’harmonies modales ou ravéliennes, et en y entremêlant ses mélodies propres.
On est frappé de ce que pouvait représenter, humainement, de supporter en 1947 le poids de la mort avec une telle gravité et une telle espérance. Les trois versions de ce Requiem donnent l’idée de l’importance qu’il revêtait pour le compositeur : la première pour grand orchestre et chœur, a été suivie de deux réductions, dont une pour petit orchestre, orgue et chœur.
C’est la plus intime, la réduction pour chœur et orgue, qu’a accompagné Yves Castagnet mercredi. Le Chœur de Radio France, dirigé par le chef allemand Florian Helgath, a introduit le concert par la polyphonie a capella des Quatre motets sur des thèmes grégoriens op. 10. Il semble avoir fallu un peu de temps au chœur pour exprimer la ferveur de ce répertoire à l’apparence si dépouillée. C'est à partir du Tantum ergo que s’installe peu à peu une atmosphère.
De ces pièces comme de plusieurs mouvements du Requiem, la limpidité et la souplesse du grégorien sont la trame originelle. Là réside la difficulté : comment conserver à ces mélodies non mesurées de l’Introït, de l’Agnus Dei, du Lux aeterna ou du In Paradisum, leur caractère fluide, une fois saisies dans le réseau d’une harmonie et d’un tissu polyphonique qui les métamorphose sans cesse ? Duruflé a merveilleusement réalisé cela. S’il est un regret au sortir du concert de mercredi, c’est que la technicité du chœur ait souvent manqué de cette limpidité et de cette souplesse. Elles sont cependant atteintes avec le In Paradisum final au thème aérien, que le pupitre de soprano, accompagné en transparence, a rendu avec beaucoup de douceur.