Le rideau se lève sur une scène sombre, une salle des miroirs autour de laquelle, tandis que les lumières s’allument lentement, des personnages sobres se déplacent. La Femme apparaît alors, simplement vêtue, pudique. Elle chante la mort de son petit enfant d'une voix qui, de factuelle qu'elle était, devient de plus en plus désespérée. On lui propose alors une carte de sortie de prison : si elle revient, avant qu’un jour ne soit passé, avec un bouton de la manche d'une personne vraiment heureuse, son fils reviendra à la vie. Elle reçoit une liste de candidats : des amoureux, un artisan expert, une compositrice brillante, un collectionneur d’art au goût exquis et, enfin, Zabelle et son magnifique jardin. Les scènes qui suivent constitueront sa quête.
Dans l'intimité du Théâtre du Jeu de Paume a eu lieu la création de Picture a day like this, de Sir George Benjamin et Martin Crimp, leur quatrième opéra et le troisième consécutif à être créé au Festival d’Aix-en-Provence. Alors que Written on Skin et Lessons in Love and Violence étaient des récits dramatiques d'événements brutaux peints à grande échelle, Picture a day like this renvoie au premier opéra de Benjamin et Crimp, l'opéra de chambre féerique Into the Little Hill, une fable qui explore les frontières entre la réalité et l'imagination, écrite pour seulement cinq chanteurs et une vingtaine de musiciens.
Marianne Crebassa explore les cinq étapes de la réaction humaine au deuil – le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation – avec chaque facette de sa voix. Sans se donner le besoin de jouer les histrions, elle ne laisse jamais sa voix dégénérer en dureté ou en cris ; au contraire, chaque état d'âme est dépeint par la couleur changeante de la voix et par son contrôle expert de la dynamique et du rubato. Ce que cet opéra partage avec les deux précédents des auteurs, c'est le niveau de raffinement exquis de la poésie de Martin Crimp, associé à la manière exceptionnelle dont George Benjamin écrit pour la voix et à son accompagnement orchestral. Les lignes vocales vont à Marianne Crebassa comme un gant et le Mahler Chamber Orchestra (dirigé par George Benjamin) les accompagne parfaitement avec une variété infinie de timbres et de sonorités. Ce qui communique les émotions exprimées comme par intraveineuse.
Marianne Crebassa est incontestablement la star du spectacle, mais les autres chanteurs ne se révèlent pas moins virtuoses. Dans les rôles des deux amants, la soprano Beate Mordal et le contre-ténor Cameron Shahbazi entrelacent la douceur de leurs lignes vocales aussi sinueusement que l'enchevêtrement physique des membres de ces deux êtres qui ne savent pas se détacher l'un de l'autre. Ils réapparaissent sous une forme complètement différente, dans le rôle de la compositrice carriériste et motivée et de son assistant en costume d’homme d'affaires, la tête coincée en permanence dans son portable.